La pilule contraceptive est-elle sans risque pour les jeunes filles ? ce que nous disent les neurosciences
Professeur R. Écochard
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Table des matières
I. l’adolescence période de structuration de la personnalité
A. aptitude à transmettre la vie, physiquement et psychiquement
C. Apprentissage du discernement
II. Les hormones interviennent dans le développement de la personnalité
A. Les hormones de l’adolescentes participent au développement de sa personnalité
B. Effet des hormones sur la personnalité féminine et maternelle
1. L’empathie féminine et maternelle
a) La place des émotions dans la prise de décision
b) La prise en compte des risques
III. L’installation du profil hormonal
A. Résultats d’études scientifiques
2. Aptitude à se situer dans l’espace
3. Aptitude au langage verbal et non-verbal
INTRODUCTION
La prescription de contraceptifs hormonaux aux jeunes filles s’est généralisée. Bien souvent, avec bonne volonté, les parents l’ont conseillée à leur fille pour la protéger contre une grossesse non désirée, pour diminuer les douleurs des règles, ou pour soigner un trouble cutané, acné ou hyperpilosité.
Cependant des voix se sont élevées pour remettre en cause cette pratique :
• des éducateurs ont alerté sur les effets négatifs possibles de cette prescription sur la vie personnelle et relationnelle des jeunes ;
• la crainte des conséquences d’une modification de la relation sexuelle, originellement célébration de l’amour et source de la transmission de la vie, a été exprimée ;
• des troubles psychologiques, une altération de l’humeur et une augmentation du risque de dépression après le début de l’utilisation ont été signalés dans la presse scientifique ;
• de plus, des cas de phlébite, d’embolie et d’accident cérébral ont défrayé la chronique, et ont été suivis d’une large remise en cause des contraceptifs hormonaux sur les réseaux sociaux ;
• enfin, des scientifiques rappellent que, si le contraceptif est prescrit pour un motif médical,
par exemple la correction de troubles cutanés, il convient de peser le pour et le contre : les effets négatifs ne doivent pas surpasser les effets positifs recherchés.
Si on discute du bienfait de la prescription de contraceptifs oraux aux adolescentes, chacun de ces aspects mérite attention. Portant ici notre attention sur l’apport des neurosciences, nous limiterons notre propos à l’impact potentiel des contraceptifs hormonaux sur la personnalité de la jeune fille, pendant l’adolescence et plus tard. C’est en effet une préoccupation de première importance.
Quelques constats marquants établis par les neurosciences mettent en évidence un effet direct des contraceptifs hormonaux sur le cerveau. On peut lire par exemple :
• « La contraception hormonale a un impact sur les capacités verbales et spatiales de la femme » ;
• « des femmes utilisant des contraceptifs hormonaux présentent un cortex préfrontal plus épais que les femmes n’utilisant pas de contraceptifs » ;
• « des utilisatrices de contraceptifs hormonaux ressemblent aux autres femmes dans leurs performances, mais présentent une activation cérébrale de type masculin ».
Or, il est bien établi que l’adolescence, pour la jeune fille comme pour le jeune homme, est une période de transformation anatomique et fonctionnelle du cerveau, qui lui permet d’acquérir les aptitudes de l’adulte, à savoir pour la jeune fille : aptitudes de la femme adulte et de la mère, aptitude à passer de la vie de la famille où elle est née à la vie sociale, et enfin aptitude au discernement.
Selon plusieurs études scientifiques, les hormones sécrétées par l’ovaire, œstrogènes et progestérone, participent à ce développement du cerveau pendant l’adolescence. Il est donc craint que les contraceptifs hormonaux, modifiant l’équilibre hormonal, aient des conséquences néfastes sur le développement de la personnalité de l’adolescente.
Dans ce qui suit, nous reviendrons sur chacun de ces points à partir d’un état des lieux des connaissances actuelles sur les quatre sujets suivants :
• L’adolescence est une période de structuration de la personnalité.
• Les hormones du cycle menstruel interviennent dans le développement de la personnalité féminine et maternelle.
• L’installation progressive du cycle féminin donne à la jeune fille son profil hormonal, qui participe à la construction de sa personnalité.
• Ce que nous disent les neurosciences sur l’effets des contraceptifs hormonaux sur le cerveau et la personnalité
En conclusion, nous tirerons de cet état des lieux quelques recommandations.
I.l’adolescence période de structuration de la personnalité
L’adolescence commence avec la puberté et se poursuit jusqu’à l’âge adulte : elle dure 12 ans.
Ce n’est pas l’âge bête, c’est une mue du cerveau, comme l’indiquent les neurosciences : « La nature profonde de l’adolescence, c’est le remodelage du cerveau » (Daniel Siegel). De même que le corps d’un homme ou d’un adulte est radicalement différent de celui d’un enfant, le cerveau de l’adulte est très différent de celui d’un enfant, car pendant l’adolescence le cerveau s’est radicalement transformé.
L’adolescence est l’époque de trois acquisitions : aptitude à transmettre la vie, physiquement et psychiquement, ouverture à la vie sociale et apprentissage du discernement. La puberté est principalement orientée vers la transmission de la vie, la poursuite de l’adolescence vers la participation à la vie sociale et l’émergence de l’âge adulte vers le discernement.
A.aptitude à transmettre la vie, physiquement et psychiquement
Les fondations de la personnalité, féminine ou masculine, ont été mises en place in-utero et la première année qui suit la naissance (mini-puberté) sous l’effet des paires de chromosomes XX ou XY puis des hormones, sécrétées par le fœtus puis le nouveau-né.
La personnalité, comme le reste du corps, reprend son développement à la puberté sous l’effet des hormones sécrétées par les ovaires chez la jeune fille, les testicules chez le garçon.
Chacun acquiert alors les compétences nécessaires pour transmettre la vie : fille et garçon deviennent fertiles et attirants l’un pour l’autre. Le corps de la fille devient apte à porter l’enfant et à le nourrir. Ces compétences sont tout à la fois psychiques (aptitudes et inclinations utiles pour la vie conjugale ainsi que pour prendre soin d’un enfant) et corporelles (sexualité, fertilité, allaitement).
L’évolution du cerveau vise en effet, non seulement à rendre apte à la sexualité et à la fécondité, mais aussi à rendre la jeune fille apte à être éventuellement mère et le jeune homme apte à être éventuellement père.
Cependant, à l’issue de la puberté, vers 14 à 16 ans, la jeune fille et le jeune homme n’ont pas encore acquis les autres aptitudes de l’âge adulte, dont le développement se poursuit jusqu’au-delà de l’âge de 20 ans.
B.Ouverture à la vie sociale
Les quatre années qui suivent la fin de la puberté sont une phase de poursuite du développement de l’aptitude à vivre en société. Ce temps de passage de la vie intrafamiliale à la vie en société est observé dans l’espèce humaine comme chez les autres mammifères. Il n’est pas simplement un effet culturel, il a un support génétique. L’éducation du jeune pendant ces années participe à le rendre apte à assurer sa subsistance et celle de son éventuelle famille.
C’est un temps où le jeune développe ses stratégies pour être accepté par les jeunes de son âge. Les garçons voient ce que signifie être homme et père dans la société et découvrent le regard porté sur eux par les filles et les femmes. Les filles voient de même ce que signifie être femme et mère dans la société et découvrent le regard porté sur elles par les garçons et les hommes. C’est un temps de doute et d’espérance : « plus tard, je ferai comme cela… ».
C.Apprentissage du discernement
Les 4 dernières années de l’adolescence, autour de 20 ans, sont une période de fort développement de l’aptitude à discerner, c’est-à-dire à prendre une décision en tenant compte des dimensions à la fois pratiques et émotionnelles de la situation. C’est une particularité remarquable de l’espèce humaine.
Un spécialiste des neurosciences, Robert Sapolsky, exprime qu’autour de 20 ans, en particulier grâce au fort développement du lobe préfrontal, le jeune développe son aptitude à « faire même ce qui est le plus difficile, si c’est ce qu’il est juste de faire ! ».
Il devient plus apte à s’engager car il a acquis plus de liberté. En effet, il dépend moins de ses émotions qu’au cours des années d’adolescence qui précèdent, en raison du développement du lobe préfrontal de son cerveau, qui a une place de premier plan dans l’analyse rationnelle. Les échanges entre le lobe préfrontal et l’amygdale cérébrale, lieu de la gestion des émotions, sont clefs dans le processus de discernement.
Les spécialistes de l’adolescence signalent enfin l’importance de l’éducation et des actes posés par le jeune dans la construction du cerveau. Ce qui est vécu à cet âge aura une répercussion à long terme. Ceci confirme l’importance de ce temps pour l’avenir de chacun.
II.Les hormones interviennent dans le développement de la personnalité
A.Les hormones de l’adolescentes participent au développement de sa personnalité
Les hormones sexuelles (testostérone chez l’homme, œstrogènes et progestérone chez la femme) ont deux types d’effets sur le cerveau : un effet activateur, qui donne un dynamisme particulier lorsque les hormones sont en plus grande quantité (l’effet cesse à l’arrêt de la sécrétion de l’hormone), et un effet organisateur, qui organise le cerveau à des périodes précises de la vie (l’effet de l’hormone se poursuit alors après l’arrêt de sa sécrétion).
L’adolescence est une période marquée par deux changements majeurs :
• L’installation des sécrétions hormonales (principalement, testostérone chez l’homme, œstrogènes et progestérone chez la femme).
• L’ouverture d’une deuxième période pendant laquelle les hormones ont un effet organisateur (la précédente période s’étalant de la vie in-utero à la fin de la première année qui suit la naissance). Cette période dure toute l’adolescence.
Les sécrétions hormonales étant spécifiques du sexe, elles vont induire un développement du cerveau spécifique, propre à la femme ou propre à l’homme. Ainsi, les hormones naturelles de la jeune fille ont une part importante dans l’évolution de son cerveau pendant l’adolescence. Le développement de la psychologie féminine est donc, pour une part au moins, sous l’influence des hormones de la jeune fille.
B.Effet des hormones sur la personnalité féminine et maternelle
Nous décrivons ici les particularités féminines de deux éléments de la psychologie qui se développent chez l’adolescent : l’empathie et la prise de décision.
1.L’empathie féminine et maternelle
La puberté prépare l’homme à devenir père et la femme à devenir mère, rôles où l’empathie tient une place centrale. Elle est plus développée dans les espèces dont la progéniture dépend beaucoup des parents. C’est le cas de l’espèce humaine. Or, l’empathie féminine et l’empathie masculine sont différentes.
S. Baron-Cohen, professeur britannique de psychopathologie du développement, résume ainsi la différence homme-femme en matière d’empathie : « Le cerveau féminin est principalement câblé pour l’empathie. Le cerveau masculin est principalement câblé pour la compréhension et la construction de systèmes ». Ceci apparait comme la source d’une complémentarité entre la femme et l’homme et entre la mère et le père.
L’empathie de la femme reposerait beaucoup sur l’activité des neurones miroirs (la souffrance que voit la femme s’inscrit dans son cerveau, presque comme si c’était elle qui souffrait ; cela l’incline à une réponse rapide lorsqu’elle observe une souffrance), celle de l’homme davantage sur les circuits neuronaux utilisés pour la réflexion (la réponse à la souffrance serait alors en moyenne moins immédiate, dépendant de l’analyse rationnelle qui est faite par l’homme).
Les différences entre les aptitudes masculines et féminines qui participent à l’empathie sont présentes dès la naissance. Ainsi, par exemple, dans les maternités, ce sont les petites filles plus que les petits garçons qui pleurent en réponse aux cris des autres nouveau-nés. Ceci résulte d’une aptitude innée participant à l’empathie émotionnelle. Cette aptitude est souvent très développée chez les petites filles, dès le plus jeune âge. D’autres aptitudes plus fréquentes chez la petite fille que chez le petit garçon concourent à construire la richesse empathique du psychisme féminin. C’est le cas notamment de l’aptitude à lire dans les yeux l’état affectif de ceux qui les entourent, l’aptitude au langage non-verbal, ainsi que l’aptitude à l’analyse des détails des situations.
L’entrée dans l’adolescence est marquée par un accroissement rapide des différences entre garçons et filles en matière d’empathie. En effet, la quantité et l’action des neuromédiateurs qui participent au processus empathique (vasopressine et ocytocine) changent en fonction du niveau des hormones sexuelles (principalement de la testostérone dont le niveau est beaucoup plus élevé chez l’homme que chez la femme, et des œstrogènes, dont le niveau est plus élevé chez la femme et rythmé par le cycle féminin).
Chez la femme, cela se traduit par une plus grande aptitude à percevoir les sentiments dans le regard de son entourage que chez l’homme.
2.La prise de décision
Quatre caractéristiques de la prise de décision se développent pendant l’adolescence, avec des différences entre garçons et filles : la place des émotions, la prise de risque, la part de l’intuition et celle des détails.
a)La place des émotions dans la prise de décision
L’amygdale cérébrale, dont la place est centrale pour la gestion des émotions, se développe fortement pendant l’adolescence. Elle a un fonctionnement différent chez l’homme et chez la femme. Les messages provenant de l’amygdale cérébrale sont moins transmis aux centres de prise de décision chez l’homme que chez la femme.
Freiner ces messages est un des modes d’action de la testostérone sur le cerveau de l’homme. Ainsi, pour prendre une décision, l’homme est partiellement « libéré » du frein que peut parfois constituer le poids des émotions, tandis que la femme reste au contraire pleinement informée des aspects émotionnels.
b)La prise en compte des risques
Les jeunes gens évitent moins le risque que les jeunes filles. Ainsi, par exemple, dans un jeu, alors que les hommes ont tendance à prendre un risque pour obtenir un gros gain, les femmes choisissent plus souvent des petits gains successifs moins risqués.
Cette différence résulte pour partie de l’effet des hormones : alors que la testostérone incite à prendre des risques, les œstrogènes incitent à les éviter.
Cependant, il semble que les choses soient plus subtiles, l’attitude féminine concernant le risque dépend du domaine concerné. Quoi qu’il en soit, l’effet des hormones sexuelles sur la gestion du risque ne fait pas de doute.
c)L’intuition féminine
Une étude portant sur 949 jeunes de 8 à 22 ans, dont 521 jeunes filles, a montré que pendant l’adolescence des changements radicaux se produisent dans la circulation des informations dans le cerveau. Chez la jeune fille prédominent des échanges entre les deux cerveaux.
Ceci serait le signe d’une grande interaction entre la part rationnelle dans la prise de décision et la part intuitive. Chez les jeunes garçons, au contraire, il y a plus d’échanges au sein d’un même cerveau qu’entre les deux cerveaux, ce qui est cohérent avec leur plus forte coordination entre ce qui est perçu et ce qui est fait, donnant moins de place à l’intuition.
d)Les détails…
La quatrième particularité de la personnalité féminine dans la prise de décision est celle de tenir compte des « détails ». La femme pense souvent plus que l’homme à toutes les étapes intermédiaires nécessaires pour atteindre un objectif. Ceci peut s’expliquer par sa relative aversion au risque et par deux aptitudes plus développées chez la femme : l’intérêt et l’aptitude à mémoriser les détails, ainsi que la conscience des phases successives pour atteindre un but.
L’intérêt et l’aptitude à mémoriser les détails sont en effet souvent plus grands chez la femme que chez l’homme, qui mémorise plus aisément la globalité. Ceci est une différence innée qui est amplifiée par les hormones masculine et féminine.
La conscience des phases successives pour atteindre un but serait quant à elle activée par les informations provenant des amygdales cérébrales. Ces informations parviennent moins aux centres de décision en présence de testostérone.
III.L’installation du profil hormonal
Le cycle féminin s’installe de façon progressive, au cours des années de puberté et plus généralement pendant toute l’adolescence. Les premières années sont marquées par un équilibre en faveur des œstrogènes. Ce n’est que progressivement qu’un équilibre entre œstrogènes et progestérone comparable à celui de l’âge adulte est acquis.
On distingue 4 phases dans l’installation des cycles menstruels, identifiables par l’observation que la jeune fille peut faire elle-même :
1. Episodes d’écoulement de glaire à la vulve, sans saignement ; ceci témoigne d’épisodes (de « vagues ») de développement puis de disparition (« atrésie ») de petits follicules dans l’ovaire sans que la quantité d’œstrogènes produite soit suffisamment élevée pour qu’un saignement se produise lors de leur atrésie : la fillette a donc des épisodes peu intenses de sécrétion d’œstrogènes qui viennent s’ajouter aux autres sécrétions hormonales qui se sont mises en place aux cours des années précédentes au niveau des surrénales agissant sur le cerveau et le reste du corps (cortisol, androgènes, hormones de croissance).
2. Ensuite, après quelques mois voire plus, surviennent des saignements qui constituent les premières « règles » de la jeune fille ; ces saignements ne sont pas douloureux car ils sont simplement la conséquence d’une chute des œstrogènes après une période d’imprégnation œstrogénique plus forte que précédemment.
3. Puis, surviennent les premières vraies règles (saignement suivant une ovulation), parfois douloureuses ; le caractère douloureux de ces règles résulte d’un corps jaune encore de courte durée et sécrétant peu de progestérone : l’apport de progestérone s’ajoute aux œstrogènes, mais l’équilibre reste encore très en faveur des œstrogènes.
4. Enfin, les cycles deviennent plus réguliers, les corps jaunes plus longs, les règles moins douloureuses : l’équilibre entre œstrogènes et progestérone à atteint son niveau « adulte ». La rapidité de passage entre ces 4 phases est variable d’une jeune fille à l’autre.
Cependant, toutes ont des mois ou des années d’équilibre en faveur des œstrogènes, entre l’âge de 10-12 ans environ et l’acquisition de cycles menstruels adultes. Cette période de prédominance de sécrétion des œstrogènes, pendant les premières années de l’adolescence, a très longtemps été considérée comme simplement le signe d’une immaturité.
L’irrégularité des cycles a été pour beaucoup de jeunes filles un motif de mise sous contraceptifs hormonaux. Les connaissances actuelles sur la place des hormones dans le développement de la psychologie féminine invitent à reconsidérer cette pratique.
En effet, étant donné l’importance des œstrogènes dans la maturation du cerveau, il semble tout à fait important de considérer cette installation des cycles, avec prédominance des œstrogènes, comme susceptible d’intervenir dans la construction du psychisme féminin. C’est un motif sérieux de remise en cause de l’utilisation des contraceptifs hormonaux pendant l’adolescence.
En effet, comme nous allons le montrer maintenant, les contraceptifs hormonaux ne remplacent pas les hormones naturelles de la jeune fille.
IV.Ce que nous disent les neurosciences sur l’effet des contraceptifs hormonaux sur le cerveau et la personnalité
Les contraceptifs hormonaux ont deux actions sur l’équilibre hormonal :
• ils modifient et souvent annulent le rythme hormonal naturel ;
• ils ajoutent des hormones artificielles ayant une action sur le cerveau, différentes de celle des hormones naturelles.
A.Résultats d’études scientifiques
Les travaux scientifiques comparent les aptitudes de femmes sans ou avec contraceptifs hormonaux. Les aptitudes les plus étudiées sont celles qui présentent des différences entre hommes et femmes et dont la mesure est suffisamment fiable. C’est le cas notamment de la mémoire, des capacités à se situer dans l’espace, et des aptitudes au langage verbal et non verbal.
1.Mémoire
Les femmes mémorisent mieux les détails, et les hommes la globalité. La mémoire est souvent améliorée sous l’effet des œstrogènes (alors que la testostérone diminue cette mémorisation).
Ainsi, par exemple, la femme mémorise plus de mots à la phase fertile (œstrogénique) de son cycle qu’aux autres phases. Les travaux portant sur les contraceptifs hormonaux montrent que l’utilisation de la contraception hormonale modifie la mémoire :
• La mémoire des femmes sous contraceptif hormonal varie selon les jours de la plaquette de pilules (plus faible les jours de pilule inactive – dans les contraceptifs œstroprogestatifs qui ont 28 pilules dont 7 inactives – plus forte les jours de pilule active).
• Sous contraception hormonale, la femme mémorise en moyenne mieux les lieux, aptitude habituellement plus élevée chez l’homme.
• La mémoire émotionnelle sous contraceptif hormonal est plus proche de celle de l’homme que de celle de la femme sans contraceptif hormonal. Généralement, l’homme mémorise plus la globalité et la femme les détails. Le stress diminue la mémoire globale chez l’homme et la mémoire des détails chez la femme sans contraceptif hormonal. Sous contraceptif hormonal, la femme mémorise mieux la globalité, moins les détails.
2.Aptitude à se situer dans l’espace
Sous une certaine contraception hormonale, l’aptitude de la femme à se situer dans l’espace est plus élevée, comparable à celle de l’homme. L’effet de la pilule dépend du progestatif utilisé. Lorsque celui-ci est androgénique la capacité de situer les objets dans l’espace est forte, comme chez l’homme. Au contraire, lorsque le progestatif est anti-androgénique, la femme a moins de capacité à situer les objets dans l’espace que les autres femmes.
3.Aptitude au langage verbal et non-verbal
L’aptitude au langage verbal et non verbal est en moyenne plus grande chez la femme, surtout en période fertile du cycle. Plusieurs facettes sont concernées : certaines concernent le langage, d’autres la reconnaissance des visages et l’attention portée au regard.
Les contraceptifs hormonaux modifient les aptitudes de gestion des mots. Ils modifient aussi l’activité des zones cérébrales de reconnaissance des visages. Ces aptitudes concourant à l’empathie féminine et maternelle, elles concernent tout particulièrement la personnalité féminine.
B.Les contraceptifs hormonaux ne remplacent pas les hormones naturelles de la jeune fille et ajoutent des effets hormonaux qui agissent sur la personnalité
Les contraceptifs hormonaux comportent tous des progestatifs et éventuellement un œstrogène de synthèse, l’ethinyl-estradiol. L’ethinyl-estradiol a une activité proche des œstrogènes naturels. Mais les progestatifs diffèrent très nettement de la progestérone naturelle. Ils sont globalement de deux types : ceux qui ont une action androgénisante et ceux qui ont une action anti-androgénisante.
Sous contraceptifs hormonaux, la variation du taux sanguin d’œstrogènes de synthèse n’est pas identique aux variations des œstrogènes naturels. Elle n’est pas régulée par les incitations du cerveau (FSH et LH) contrairement à ce qui se passe chez une jeune fille ne consommant pas de contraceptif hormonal.
Par ailleurs, il n’y a pas d’installation progressive des périodes de sécrétion de progestérone, contrairement à ce qui se passe chez une jeune fille ne consommant pas de contraceptif hormonal.
Enfin, sous contraceptifs hormonaux, la sécrétion naturelle des petites doses de testostérone observée sans contraception est freinée. Or, cette sécrétion participe à un dynamisme de vie.
Conclusion : quelles recommandations proposer à l’issue de cet état des lieux ?
Nous avons vu que l’adolescence est une période de structuration de la personnalité par une mue du cerveau sous l’effet des hormones sexuelles, dont les effets se prolongeront dans la vie adulte. Nous avons montré ensuite en quoi les hormones du cycle menstruel participent à la personnalité féminine et maternelle.
Puis nous avons vu que l’installation progressive des cycles au cours de l’adolescence est source d’un climat œstrogénique qui a un impact sur le psychisme. Enfin, nous avons présenté des résultats des neurosciences montrant les modifications de personnalité induites par les contraceptifs hormonaux.
Il semble nécessaire d’informer les parents et les jeunes filles sur ces faits biologiques. Ils pourront ainsi agir en connaissance de cause. De plus, ces faits étant mal connus du monde médical, et pourtant de grande importance pour la maturation de la personnalité féminine, il est nécessaire d’exercer un plaidoyer en faveur d’une information éclairée auprès des jeunes filles et de leurs parents avant toute prescription.
Professeur R. Ecochard
PS : les très nombreuses références à des études n’ont pas été reproduites ici, elles sont visibles sur la version PDF de cet article.