Les causes et les risques de l’avortement à répétition

Depuis la légalisation de l’IVG, le nombre d’avortements a fluctué entre 198 000 et 246 000 par an, avec une tendance à la hausse ces dernières années (à part une baisse au moment du COVID). En 2015, un rapport de l’INED montrait que depuis la légalisation de l’IVG, le nombre de femmes ayant recours à l’IVG en France avait diminué, mais qu’il y avait plus de femmes faisant plusieurs avortements au cours de leur vie. Un tiers des femmes avortaient au moins une fois au cours de leur vie, pour une moyenne de 1,5 avortement par femme ayant avorté. En 2018, en Grande-Bretagne, 84 258 avortements répétés ont été pratiqués. 4389 femmes en étaient à leur 4e avortement, 1298 à leur 5e, 718 femmes à leur 6e, 143 femmes femmes à leur 8e ou plus1. En 2025, les IVG à répétition existent toujours, et sont parfois mal supportées même par des professionnels de santé qui acceptent de pratiquer l’avortement.
Causes des avortements à répétition
Cette partie est en grande partie fondée sur la thèse de médecine : « Mieux comprendre la répétition des IVG chez des femmes confrontées à plusieurs grossesses non prévues »
Dans un travail de recherche pour sa thèse de médecine générale en 2023, Armelle Poupard, fervente partisane du droit à l’avortement, a interrogé dix femmes ayant recours d’une manière répétée à l’avortement (entre 2 et 7 IVG au moment de l’entretien). Bien sûr, leurs réponses ne sont pas statistiquement représentatives, mais elles sont néanmoins intéressantes pour comprendre comment une femme peut arriver dans cette situation.
Les raisons invoquées par les femmes pour l’IVG
Les raisons invoquées pour faire le choix de l’avortement ne diffèrent selon que les femmes ont déjà fait des IVG ou non. Les raisons mentionnées par les femmes de cette étude sont :
– Les conditions économiques ;
– L’absence de logement ;
– Le fait d’être débordée par les enfants déjà là ;
– La volonté de ne pas détruire une nouvelle carrière professionnelle ;
– L’instabilité du couple ou le fait de ne pas être en couple ;
– Une santé fragile de la femme, physique ou morale ;
– Le jeune âge et la pression familiale
– La peur d’élever un enfant dans un monde traversé par des problèmes économiques, écologiques, sanitaires, et par la violence.

Les facteurs conduisant à des avortements à répétition
Comment une femme se retrouve-t-elle plusieurs fois dans une situation où elle se sent obligée de choisir l’avortement ? Parmi les facteurs évoqués par Armelle Poupard, on peut mentionner :
1. Les problèmes liés à la contraception
a. Les effets indésirables de la contraception hormonale et du stérilet au cuivre
Plusieurs femmes ont été confrontées à des effets indésirables avec différentes méthodes de contraception hormonales ou avec le DIU au cuivre (stérilet), et ont décidé d’arrêter ces méthodes. Certaines se sont tournées vers le préservatif masculin, qui est peu fiable, ou vers la méthode du calendrier, qui est l’ancêtre des méthodes naturelles de régulation des naissances actuelles, mais qui est très peu fiable, contrairement aux méthodes de régulation naturelle des naissances actuelles (parfois appelées à tort « contraception naturelle »), lorsqu’on les apprends avec l’aide de conseillers en fertilité. Certaines aussi finissent par renoncer et cessent d’utiliser une contraception.
b. Aucun moyen de contraception n’est efficace à 100 %

Il y a aussi le fait que même la pilule et le stérilet au cuivre ne sont pas efficaces à 100 % : plusieurs participantes étaient sous pilule et plusieurs autres avaient un stérilet en cuivre, quand elles sont tombées enceintes.
Rappelons aussi le stérilet au cuivre, et souvent les moyens de contraception hormonaux, sont des méthodes de contraception abortives, c’est-à-dire que lorsqu’un embryon est conçu malgré le premier effet anti-ovulatoire (ou spermicide, pour le DIU au cuivre) de ces méthodes, elles ont pour effet de supprimer cet embryon en empêchant la nidation.
c. Le manque d’implication de leurs partenaires
La charge de la contraception repose presque entièrement sur les femmes, qui peuvent trouver cela très lourd. Souvent, les hommes tiennent pour acquis que la contraception est l’affaire des femmes, et souvent aussi, les conséquences d’un échec de contraception sont l’affaire des femmes. Là encore, les méthodes naturelles ont beaucoup à apporter aux mentalités modernes. Elles supposent des contraintes, mais elles sont faites pour être utilisées en couple, et permettre à chaque membre du couple d’avoir conscience de la fertilité de la femme.
Les problèmes liés à la contraception sont donc clairement une cause majeure dans le parcours de ces femmes faisant des IVG à répétition. Les moyens de contraception proposés aux femmes sont soit néfastes pour la santé, soit peu efficaces. Le fait que même les moyens les plus efficaces ne soient pas infaillibles est une cause fréquente d’avortements, car les couples se sentent parfaitement « protégés » contre une grossesse, et ne sont souvent pas du tout prêts à accueillir un éventuel enfant.
2. Les maladies chroniques
Plusieurs des femmes suivies pour ce travail de recherche étaient atteintes de maladies chroniques, physiques ou psychiques (deux femmes souffrant de dépression). Ces maladies sont un facteur fragilisant.
3. La violence subie
Sur les dix femmes interrogées pour ce travail de recherche, cinq ont subi des violences conjugales. Sur ces cinq, trois avaient déjà subi des violences dans leur enfance, et sur ces trois, deux ont subi l’inceste.
Un travail de recherche de 2005 sur les femmes faisant des IVG à répétition, par la sociologue Cynthia Morgny, mentionnait déjà la place prédominante de la violence subie dans le discours des femmes interrogées pour l’étude : 10 femmes sur 17 en avaient été victimes, et 4 d’entre elles avaient subi des viols ou des attouchements sexuels.
Un tel vécu peut aider à comprendre que certaines femmes se laissent entraîner dans des situations tragiques, étant déjà brisées.
L’addiction à l’avortement
Le Dr Pascale Pissochet explique qu’il existe une forme d’addiction à l’avortement. Le fait même d’avoir souffert à cause d’une IVG peut inciter certaines femmes à reproduire cet acte, pour essayer de changer ce qu’elles ont vécu, ou pour se donner la preuve que ce n’est pas un acte grave. Les grossesses et avortements à répétition peuvent aussi venir d’un écartèlement entre le désir de maternité et le sentiment qu’il est impossible de vivre avec celle-ci2.
Risques des avortements à répétition
Les dangers de l’IVG
Tout avortement comporte des dangers physiques et psychiques pour la femme qui le subit, des dangers pour ses futures grossesses, et des conséquences psychologiques pour le père de l’enfant avorté et pour ses éventuels frères et sœurs. Voir notre article : Les risques de l’avortement pour la santé de la femme et de sa famille. Les IVG à répétition augmentent les risques physiques et psychiques existant pour un avortement unique.

Un exemple de démultiplication des risques avec l’avortement à répétition
Un travail de recherche de 2012, publié dans Le quotidien du médecin, journal reconnu de la presse médicale française, explique que le risque d’hypotrophie3 et de prématurité est majoré pour les femmes ayant fait trois avortements ou plus, surtout dans le cas d’IVG chirurgicales. Avec un seul ou deux avortement, il y a déjà une augmentation du risque, mais encore faible. Le risque devient significatif à partir de trois avortements. Il s’agit d’un risque de donner naissance à un bébé de très petit poids (< 1 500 g), de petit poids (< 2 500 g), prématuré (< 37 semaines) ou très grand prématuré (< 28 semaines).
Par exemple, « pour 1 000 femmes n’ayant pas avorté, trois d’entre elles donneront naissance à un bébé avant 28 semaines4, commente le Dr Reija Klemetti. Le risque augmente à 4 femmes pour celles ayant avorté une fois, à 6 pour celles en ayant fait deux et à 11 pour celles en ayant fait 3 ou davantage »
Et : « Pour les femmes ayant eu au moins 3 IVG, le risque était augmenté d’un tiers (35 %) pour la prématurité (< 37 semaines5), de 43 % pour l’hypotrophie et multiplié par 3 (225 %) pour les très petits poids. »
L’explication serait que les femmes ayant avorté par aspiration ont un plus grand risque de contracter des infections, et peuvent avoir l’endomètre (la paroi de l’utérus) ou le col de l’utérus endommagés par l’IVG chirurgicale. Les médecins auteurs de l’enquête prévoient une baisse de ces chiffres dans les années futures, du fait de l’augmentation du nombre d’avortements médicamenteux par rapport aux avortements chirurgicaux.
Conclusion
Nous n’avons pas abordé dans cet article les enjeux moraux liés au respect de la vie humaine dans l’avortement. La principale raison de dire « non » à l’avortement est le droit à la vie de l’enfant non encore né. Mais ce n’est pas l’objet de cet article.
Les avortements répétitifs sont dangereux pour la santé aussi bien physique que psychique de la femme, et la santé des éventuels futurs enfants portés par cette femme.
Les femmes se retrouvant dans la situation d’avorter plusieurs fois sont souvent des femmes fragilisées, par des problèmes de santé et/ou par un vécu de violence subies.
L’idéalisation de la contraception dans notre société joue aussi un grand rôle. L’enseignement dès l’adolescence des méthodes naturelles de régulation des naissances pourrait permettre un plus grand investissement des conjoints et un plus grand respect du corps de la femme.

Notes
1 Source : https://www.genethique.org/royaume-uni-des-adolescentes-avortent-pour-la-sixieme-fois/
2 Maternité blessée, Guérison et renaissance du lien mère-enfant après un avortement, Dr Pascale Pissochet, 2022, éd. Pierre Téqui, p. 51-53.
3 Retard de croissance du corps ou développement insuffisant d’un organe.
4 6 mois et demi de grossesse.
5 8 mois et demi de grossesse.