Les risques de l’avortement pour la santé de la femme et de sa famille

Lettre Réseau Vie mars 2023

La lettre ci-dessous a été envoyée à nos abonnés sous forme de livret A4 à visionner au format PDF.

Le temps de lecture de cet article est estimé à 15 minutes.

Les titres mentionnés dans la table des matières sont cliquables pour atteindre immédiatement un paragraphe spécifique.

Table des matières

I Les conséquences de l’avortement pour la santé

A Les risques physiques

1. Les conséquences précoces de l’avortement sur la santé physique de la mère

a. Conséquences non mortelles

b. Risques de décès

2. Les risques physiques à long terme de l’avortement

B Les risques psychosomatiques

C Les risques psychiques

1. Les risques pour la vie psychique de la femme

a. La difficulté de faire le deuil d’une personne dont l’existence est niée

b. Dépression

c. Automutilation

d. Idées et tentatives de suicide

e. Troubles de l’humeur

f. Évolution des troubles psychiques avec le temps

g. La prise de conscience d’avoir fait du mal

h. Addictions

i. Les conséquences sur la relation avec les autres enfants

j. Les conséquences sur la vie de couple

2. Les conséquences psychologiques de l’avortement chez les pères

3. Les conséquences psychologiques de l’avortement pour les frères et sœurs

II La vie peut triompher

III Message de saint Jean-Paul II aux femmes ayant avorté

Les risques de l’avortement pour la santé de la femme et de sa famille

Cet article aborde l’IVG sous l’angle de la santé publique. Comme chacun de nous le sait, le problème est beaucoup plus vaste. L’IVG pose de nombreuses questions d’éthique : Quel statut donnons-nous à l’embryon ? Qui a droit à la Vie ? Quel droit pour le père ? Quelle liberté donnons-nous aux personnels soignants, aux pharmaciens, etc. ?

L’avortement comporte des risques, des risques pour la santé physique et psychique de la femme qui avorte, mais aussi pour la santé psychique du père de l’enfant, et de ses frères et sœurs.

Il est important qu’une femme envisageant l’avortement les connaisse. Et il est important que les femmes ayant demandé ou subi une IVG puissent plus tard bénéficier de soins, et d’un accompagnement thérapeutique si elles le souhaitent.

Les femmes qui ont choisi l’avortement, ou qui y ont consenti à cause de pressions parfois violentes, ont certes accepté un acte entraînant la mort d’un être humain, leur enfant. Cependant, le Docteur Pascale Pissochet nous met en garde contre un jugement simpliste sur cette décision et sur ces femmes. Il faut tenir compte du contexte sociologique, économique et culturel dans lequel cette décision s’insère1.

I Les conséquences de l’avortement pour la santé

Les conséquences de l’IVG pour la santé des mères peuvent être de trois ordres. Les premières sont des conséquences physiques. Les secondes sont les conséquences psychosomatiques : le corps de la femme est atteint d’un véritable problème de santé, mais celui-ci est provoqué par sa souffrance psychique. Enfin, les conséquences psychiques ou psychiatriques. Nous verrons que celles-ci touchent aussi les pères et les enfants nés après un avortement.

A Les risques physiques

1. Les conséquences précoces de l’avortement sur la santé physique de la mère

a. Conséquences non mortelles

Le Docteur Pissochet répertorie trois catégories de risques précoces de l’avortement pour la santé de la femme.

1. Le moins grave, le syndrome du cinquième jour, concerne uniquement l’IVG par aspiration. Ce syndrome est caractérisé par des douleurs, qui peuvent aussi être accompagnées de fièvre, de saignements et/ou de caillots. Ces symptômes ne durent pas plus que 24 heures et nécessitent une simple surveillance.

2. Les risques plus sérieux, non infectieux : lésions du col de l’utérus, lacérations, perforations, apparitions de caillots de sang dans l’utérus… L’un des risques les plus fréquents de cette catégorie est celui d’un avortement incomplet, qui demande une nouvelle intervention.

Les jeunes femmes mineures semblent avoir davantage de risques de déchirure cervicale (du col de l’utérus), car leur glaire cervicale a un pouvoir protecteur moins grand que celle de femmes plus âgées.

3. Les risques infectieux : infections à chlamydiae, endométrites post-abortum. Des études montrent que c’est le risque le plus fréquent : 1 à 5 % des cas2. Une étude américaine montre que le risque d’endométrite chez les adolescentes serait de 2,5 %.

Cherline Louissaint pointe l’augmentation de ces risques selon le trimestre de grossesse. Ainsi, d’après une étude américaine, les saignements et hémorragies se produisent dans plus de 1 % des avortements qui ont lieu au premier trimestre, et dans plus de 2,5 % des avortements en cours de deuxième trimestre3.

Sachant que beaucoup de femmes hésitent avant un avortement jusqu’à la fin de la période légale, prolonger sans cesse cette période légale entraîne donc toujours plus de dommages pour la santé des femmes qui y ont recours.

b. Risques de décès

Le site de la Fédération du Planning Familial américain, l’organisme le plus actif du monde pour promouvoir l’avortement, mentionne lui-même la possibilité de ces risques. Il indique aussi que dans des cas très rares, les complications peuvent être mortelles4.

Les risques de décès, dans les suites à court terme des avortements par prise de produits actifs – il est impropre de parler d’avortement « médicamenteux », puisque le propre d’un médicament est de soigner et non d’éliminer une vie – ou par aspiration, ne sont en effet pas nuls.

Le site Gènéthique attire notre attention sur un document du laboratoire qui produit le Mifeprex (mifepristone), l’un des produits ingérés pour les avortements chimiques. Ce document signale des décès, non fréquents mais réels, dus à des infections suite à l’utilisation du mifepristone.

Ces infections aboutissant à la mort n’ont parfois pas de symptômes évidents permettant de les détecter, en particulier une absence de fièvre5.

Il faut cependant préciser que la mort suite à une septicémie (infection généralisée) n’est pas propre aux avortements, et dans de bonnes conditions sanitaires, elle a plus de risque de se produire après un accouchement qu’après une IVG.

Le même article de Gènéthique mentionne ensuite le risque de mortalité maternelle. La mortalité maternelle est un outil statistique officiel, qui désigne le nombre de décès de femmes en cours de grossesse ou dans les 42 jours suivant l’accouchement ou l’avortement, d’une cause liée à la grossesse ou à ses soins6.

Gènéthique fait remarquer que la plupart des gens considèrent comme évident que les pays ayant le plus grand taux de mortalité maternelle sont ceux où le droit à l’avortement est très restreint, car cela entraîne des avortements illégaux et dangereux. Pourtant, les statistiques montrent le contraire. À niveau de développement équivalent, les pays ayant le plus faible taux de mortalité maternelle sont ceux qui limitent le plus l’avortement. Le site donne plusieurs exemples, dont celui du Chili où une loi interdisant l’avortement a été votée en 1989 (l’avortement a été totalement interdit au Chili entre 1989 et 2017). Suite à cette loi, non seulement le taux de mortalité maternelle n’a pas augmenté, mais il a diminué de moitié ! Il est passé de 41,3 (avant 1989) à 22 décès sur 100 000 en 2013. Parallèlement, le taux de mortalité infantile aux États-Unis était de 44 décès sur 100 000 naissances en 20137.

2. Les risques physiques à long terme de l’avortement

Le Docteur Pissochet indique trois domaines dans lesquels l’avortement comporte des risques physiques à long terme8 :

1. Les menstruations : des dérèglements à long terme ne sont pas rares.

2. Des risques significatifs pour la fécondité et pour les futurs enfants : stérilité, fausses couches, naissances prématurées, grossesses extra-utérines et mortalité périnatale.

Le site Gènéthique mentionne des études indiquant que les femmes ayant déjà avorté ont 37 % de risques en plus d’accoucher plus tard d’enfants prématurés, et 64 % de risques en plus d’accoucher d’un grand prématuré, à moins de 32 semaines de grossesse9. Cherline Louissaint précise que le risque de naissance prématurée augmente très significativement avec le nombre d’avortement effectués10.

Jean-Régis Fropo mentionne aussi un plus grand risque de handicap du bébé à cause du risque de développement anormal du placenta suite à un avortement11.

Le 3 mars 2022, le délai légal pour avorter en France est passé de 12 à 14 semaines de grossesse. À cette occasion, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a exprimé ses inquiétudes. La technique pour avorter à 14 semaines n’est pas la même que celle pour avorter à 12 semaines. C’est ce que révèle Gènétique : « Si l’avortement est chirurgical, ‘‘il faut dilater beaucoup plus le col’’, pointe le Dr Cyril Huissoud, avec de potentielles conséquences pour les futures grossesses. Les potentielles faiblesses ou béances cervicales occasionnées par l’avortement pourraient conduire ultérieurement ‘‘à des fausses couches tardives ou à des menaces d’accouchement prématuré’’. ‘‘Toutes les études le montrent, affirme le Pr Joëlle Belaisch Allart, présidente du CNGOF, [les risques] vont en augmentant avec le terme de la grossesse12.’’ »

3. Une augmentation importante du risque de cancer du sein.

En ce qui concerne un risque de cancer du sein plus important pour les femmes ayant avorté que pour les femmes ayant mené une grossesse à terme, les études se contredisent. Certaines trouvent jusqu’à 50 % de risques de cancer supplémentaires pour les femmes ayant avorté, par rapport aux femmes ayant mis au monde leur enfant.

D’après une étude indienne de 2014, l’avortement affaiblit le tissu musculaire des seins, ce qui est une cause de sensibilité accrue aux cellules cancérigènes13. Cherline Louissaint explique que le risque de cancer du sein est corrélé avec la quantité d’œstrogènes sécrétés durant la vie. Toute grossesse entraîne la production d’œstrogènes, mais après 32 semaines de grossesse, les femmes développent aussi des cellules anti-cancéreuses14.

En 2005, le Collectif « 30 ans ça suffit ! » expliquait que l’augmentation des risques de cancer du sein liée à l’avortement était élevée surtout pour les femmes n’ayant jamais accouché d’un premier enfant. Dans le corps la femme enceinte, le niveau de plusieurs hormones augmente nettement. Trois d’entre elles : l’œstradiol, la progestérone, et surtout la hCG, stimulent les cellules des seins pour les faire parvenir à maturité. Un avortement provoque la chute brutale des niveaux de ces hormones, alors que les seins sont en plein processus de maturation. Les cellules mammaires en cours de maturation sont particulièrement vulnérables au cancer15.

B Les risques psychosomatiques

De nombreuses femmes témoignent de troubles psychosomatiques à long terme après un avortement. Ces problèmes de santé sont réels : il ne faut pas confondre les problèmes de santé psychosomatiques avec l’hypocondrie, où la personne croit être malade sans l’être. Des souffrances psychiques sont à l’origine de réelles conséquences pathologiques dans le corps.

Le Docteur Pascale Pissochet mentionne des témoignages de migraines, des troubles fonctionnels abdominaux, des douleurs abdominales, des troubles du sommeil et des troubles de la sexualité. Parmi les troubles de la sexualité, elle signale notamment des problèmes de dyspareunie, c’est-à-dire des douleurs physiques lors des rapports sexuels16.

C Les risques psychiques

Concernant les risques psychiques de l’avortement, nous parlerons d’abord des conséquences sur le psychismes des femmes, puis des conséquences de ces blessures sur leurs relations avec leurs autres enfants et sur la vie conjugale, des risques psychiques pour les pères des enfants avortés, et aussi des conséquences pour les frères et sœurs des enfants avortés.

Pour exprimer le traumatisme de l’IVG, le Docteur Pissochet parle de « rupture du cheminement naturel maternel » : « Il s’agit du triste constat d’une chair meurtrie dans une maternité qui n’intègre plus dans son corps le petit corps qui habitait ses entrailles. Oui, une chair qui finit par souffrir, non seulement du geste traumatique de l’avortement, mais aussi du vide abyssal laissé par le départ de son enfant. » C’est parfois des années après l’acte que des femmes se retrouvent totalement effondrées psychologiquement. Cette souffrance vient en grande partie de la rupture du lien avec l’être vivant qu’elles portaient, lien qui existait bel et bien17.

1. Les risques pour la vie psychique de la femme

a. La difficulté de faire le deuil d’une personne dont l’existence est niée

Comme la fausse couche, l’avortement est la perte d’un enfant, et entraîne un deuil. Philippe de Cathelineau nous fait remarquer combien le deuil est rendu plus difficile, lorsque tout le monde autour de soi nie la réalité de la perte. Le corps du défunt a été éliminé. Généralement, ce corps n’a même pas été vu par la mère. Cette négation de l’existence comme de la mort de l’enfant rend peut-être les choses plus faciles dans un premier temps, mais elle empêche aussi la guérison de la souffrance18.

b. Dépression

Les femmes ayant avorté présentent un risque d’être hospitalisées en psychiatrie dans les trois mois suivant l’accouchement ou l’avortement, de 53 % plus élevé que les femmes ayant porté leur enfant à terme. Le risque de dépression est de 37 % plus élevé (ou de 65 %, selon une autre étude19). Cette incidence est encore plus élevée pour les femmes mineures.

Les symptômes de dépression peuvent comporter des ruminations, des sentiments d’infériorité, de haine, et aboutir à un émoussement de l’affectivité : la femme dépressive risque de devenir indifférente à tout20.

c. Automutilation

Sans antécédents psychiatriques, les risques d’auto-mutilation sont de 70 % plus élevés pour les femmes ayant mis fin à leur grossesse que pour les femmes qui ont accouché. On rencontre aussi des comportements d’auto-agression : ongles rongés, grincements de dents, grattages21.

d. Idées et tentatives de suicide

Les femmes ayant avorté se suicident plus que les autres femmes (155 % plus22), tandis que celles qui ont accouché d’un enfant se suicident moins que la moyenne des femmes. Chez les mineures ayant avorté, les idées suicidaires et tentatives de suicide atteignent 50 %23.

Deux études montrent que c’est bien l’avortement qui fait augmenter le taux de suicide, et non l’existence de troubles psychiatriques antérieurs24.

e. Troubles de l’humeur

Les femmes ayant avorté sont plus souvent sujette à la tristesse et aux pleurs, à des peurs irraisonnées ou des attaques de panique. Elle expérimentent aussi plus souvent des changements brusques d’état émotionnel. Elles ont souvent de grandes difficultés à exprimer leurs émotions. Sans intervention thérapeutique, ces troubles peuvent évoluer vers un état de stress post-traumatique, qui est un trouble anxieux sévère. Ce trouble risque de s’installer de manière durable, de perturber profondément la vie quotidienne de celle qui le porte, et d’évoluer vers la dépression25.

Agnès, ayant avorté sous la pression de ses beaux-parents et de son compagnon, raconte comment, plusieurs mois après l’acte, elle est passé par une période de troubles sévères : « Ça a été très dur. J’ai perdu la capacité de parler. J’avais des comportements délirants, je regardais tous les bébés dans les poussettes, dans la rue, et je demandais : ‘‘Vous avez vu mon bébé ? Vous avez vu mon bébé ?’’. Un jour, dans un supermarché, je me suis précipitée sur une femme enceinte avec mon caddie, je voulais lui faire mal, qu’elle ressente exactement la même chose que ce que j’avais ressenti.

Je débloquais, j’appelais l’hôpital pour savoir où ils avaient mis le corps de mon bébé. Je n’avais pas le droit d’être triste. La société ne nous reconnaît pas le droit de souffrir. Or moi, j’avais mal, et je devenais folle. On m’a mise sous Prozac pendant trois ans26. »

f. Évolution des troubles psychiques avec le temps

Les troubles psychiques expérimentés par certaines femmes ayant avorté n’apparaissent pas toujours tout de suite, ils peuvent se manifester pour la première fois des années après27. Qu’ils commencent immédiatement ou non, ces troubles peuvent évoluer vers l’indifférence de la dépression, ou vers une hypersensibilité au monde extérieur. Des réactions sensorielles inadaptées peuvent aussi se produire d’une manière fréquente : sudation, tremblements, pâlissement, rougissement, oppression…

À long terme, si la femme ne reçoit pas d’aide, ces troubles peuvent évoluer vers des états de fatigue nerveuse, des troubles cognitifs (problèmes de concentration ou de mémoire), puis une extinction affective.

L’avortement peut entraîner à long terme des sentiments de vide et de solitude, d’exclusion. Certaines ressentent même l’impression d’être damnées, et se sentent souillées dans le regard de certaines personnes28.

g. La prise de conscience d’avoir fait du mal

Certaines femmes avaient déjà conscience de faire du mal au moment de l’acte. Dès le moment de la décision d’avorter, 25 % des mères considèrent que l’embryon est humain et qu’elles vont ôter une vie29.

Pour les autres, il est bien entendu souhaitable qu’elles prennent conscience que leur acte n’était pas bon. Mais cette prise de conscience peut être extrêmement douloureuse, et pour les femmes n’étant pas accompagnées dans un cheminement d’accueil de la miséricorde, elle peut aussi être désespérante.

Les femmes qui en avaient déjà conscience, et celles qui prennent conscience de la portée de l’acte d’avortement, peuvent éprouver des sentiments de honte, de remord, de culpabilité, voire des idées noires. Elles sont parfois saisies par le souvenir de l’IVG, qui les fait profondément souffrir. Leur souffrance peut être d’autant plus grande quand elles ont vécu plusieurs avortements30. Une étude de 2004 portant sur des femmes américaines et des femmes russes a trouvé un sentiment de culpabilité chez 77,9 % des femmes américaines, et chez 49,8 % des femmes russes, malgré le fait que l’avortement soit considéré comme tout à fait normal dans cette culture31.

Sabine Faivre cite le témoignage d’Agnès, jeune femme d’origine polonaise : « [Après l’intervention], je me suis habillée tout en noir. Je suis allée chez le coiffeur, et je lui ai demandé de me raser la tête, complètement. Il a refusé. Je voulais que tout le monde voie que je n’étais pas une vraie femme. Mais il n’a pas voulu32. »

h. Addictions

Pour faire face à leurs souffrances psychiques et à leurs remords, certaines femmes tombent dans l’addiction à des substances anxiolytiques : médicaments, tabac, alcool, drogues. Certaines sont aussi sujettes à des désordres alimentaires ou sexuels.

Une étude canadienne confirme que les risques de dépendance à la drogue et à l’alcool sont plus élevés respectivement de 142 % et de 287 % pour les femmes ayant avorté que pour celles ayant mené leur grossesse à terme. Une étude portant uniquement sur les femmes n’ayant jamais abusé de l’alcool ou de la drogue montre une risque d’abus de substances de 450 % plus élevé pour les femmes ayant avorté par rapport à celles qui ont accouché33.

Malheureusement, il existe aussi une forme d’addiction à l’avortement. La souffrance même vécue dans cet acte peut conduire certaines femmes à le reproduire, comme pour essayer de changer ce qu’elles ont vécu, ou pour se donner la preuve que ce n’est pas un acte grave. Certaines sont comme écartelées entre leur désir de maternité et leur sentiment qu’il est impossible de vivre celle-ci. Cette répétition compulsive de l’avortement concernerait 45 % des avortements. Les conséquences psychiques et physiques d’une multiplication des avortements peuvent être très graves34.

Les femmes vivant ces addictions et ces troubles psychiques ne peuvent généralement pas s’en sortir sans aide.

i. Les conséquences sur la relation avec les autres enfants

La naissance d’un enfant ne compense pas un avortement passé. Non seulement ce n’est pas source de guérison, mais l’expérience de l’avortement peut entraîner des défaillances dans le comportement de la maman avec son enfant : mauvais traitements, surprotection de l’enfant, sentiment de perte de l’autorité parentale… Certaines femmes ressentent la peur d’un châtiment qui pourrait frapper leurs autres enfants, pour leur faire payer leur acte passé35.

Par ailleurs, si la mère vit une dépression ou d’autres troubles psychiatriques suite à son avortement, cet état peut avoir des conséquences sur la relation avec ses enfants, et même nuire à l’attachement à un nouveau bébé et conduire parfois à de la maltraitance. La maltraitance commise par une mère ayant avorté peut s’accompagner de paroles destructrices, comme : « C’est toi que j’aurais dû avorter ! » À leur tour, les filles victimes de maltraitance ont une plus grande probabilité d’avorter quand elles seront en âge d’avoir des enfants36.

Autre risque pour les enfants dont un membre de la fratrie a été avorté : peut-être que leurs parents ont avorté parce qu’ils croient en l’idéologie de l’enfant désiré, l’enfant qui répond à mon projet, et non l’enfant que j’accueille parce qu’il existe, parce qu’il est lui-même. Le risque, pour les enfants qui survivent à la planification, est qu’ils ne correspondent pas non plus à ce que leurs parents avaient désiré et planifié. Cette déception est parfois aussi source de maltraitance37.

j. Les conséquences sur la vie de couple

Il n’est pas étonnant que les blessures psychiques des femmes ayant avorté aient des répercussions sur leur vie de couple et leurs relations avec leur conjoint, le père de l’enfant avorté ou un autre. En effet, ce sont des relations avec un homme qui sont à l’origine de l’évènement traumatisant. On peut supposer que les conséquences relationnelles varient selon que l’homme avec qui la femme est en couple est le père de l’enfant avorté ou non. Et s’il est le père, la situation est très différente selon qu’il a voulu l’avortement, l’a exigé, s’y est opposé, y a été indifférent ou n’en a pas été informé.

Suite à leur avortement, certaines femmes peuvent ressentir de la haine envers leur conjoint, un dégoût de la sexualité, voire un rejet envers tous les hommes. Des dysfonctionnement sexuels se produisent chez 31 % des femmes ayant avorté et chez 18 % de leurs conjoints. Pour 5 à 20 % des femmes, les dysfonctionnements sexuels perdurent encore un an après38.

Dans une étude allemande, 22 % des relations de couple ont pris fin un an après l’avortement39.

2. Les conséquences psychologiques de l’avortement chez les pères

Certains hommes sont indifférents à l’avortement de leur compagne. D’autres ont fait pression sur celle-ci pour qu’elle avorte. Mais l’avortement est souvent décidé d’un commun accord, parce que les deux parents pensent que leur situation ne leur permet pas d’accueillir l’enfant. Parfois aussi, la femme avorte à l’insu du père, qui ne sait pas toujours qu’elle a été enceinte. D’autres fois, l’avortement est une décision de la femme qui l’impose à son conjoint, la loi française lui permettant de décider toute seule.

Le Docteur Pissochet mentionne une étude comparative entre hommes et femmes, qui montre que, si les femmes sont 56,9 % à vivre une détresse psychologique après un avortement, les hommes sont tout de même 40,7 %40. D’après une autre étude, 35 % des pères ressentent de la peine et un sentiment de vide, quatre mois après l’avortement41.

En 2007-2009 j’étais dans la ville thaïlandaise de Pattaya, pour des activité humanitaires de soutien aux femmes prostituées. J’ai eu l’occasion de connaître un homme anglais de 36 ans, qui m’a raconté comment son chemin l’avait mené jusqu’à une ville comme Pattaya, ville organisée pour la prostitution pour les touristes. Quelques années plus tôt, cet homme avait une compagne qui a conçu un enfant de lui. Sans le lui dire, elle a pris les comprimés pour faire un avortement dit « médicamenteux ». Elle a expulsé l’embryon dans les toilettes, et elle l’a montré à son compagnon. La vision de son enfant mort dans les toilettes a été un traumatisme terrible pour cet Anglais habité du désir de devenir père. Pendant un an, il est resté enfermé chez lui dans le noir, sans rien faire et sans voir personne. Quand il a pu sortir, il a décidé de chercher l’oubli auprès des prostituées thaïlandaises. Cette homme était sans doute fragile, mais son témoignage montre combien un homme peut être profondément atteint par l’avortement de son enfant.

Mais les hommes ayant voulu l’avortement ne sont pas indemnes non plus. Pour citer encore le témoignage d’Agnès, recueilli par Sabine Faivre : « Après un an, je me suis mariée, avec lui. Lui aussi a fait un travail avec un psychologue ; il a compris pour l’IVG. Sept mois après, il a réalisé et il a commencé à pleurer, à appeler son enfant, à dire à tout le monde qu’il avait perdu son enfant42. »

3. Les conséquences psychologiques de l’avortement pour les frères et sœurs

Les frères et sœurs d’enfants avortés sont confrontés à la souffrance portée par leur mère et peut-être par leur père. Mais, quand ils apprennent l’existence de cet avortement, ce qui est nécessaire à un moment de leur vie, ils sont confrontés au choc du fait que l’un des membres de la fratrie a été éliminé par les parents. L’une des questions qui peut les perturber est : « Et si ça avait été moi ? », et donc « Est-ce que maman s’est posé la question pour moi ? ». Le syndrome du survivant que peuvent vivre les frères et sœurs d’enfants avortés entraîne parfois des troubles psychologiques profonds. Ces enfants peuvent vivre les mêmes conflits psychologiques que ceux dont un frère ou une sœur est mort dans un accident ou une maladie. Mais le poids à porter est encore plus lourd, car leur frère ou leur sœur n’est pas mort dans une catastrophe naturelle ou un accident, il a été éliminé par leurs propres parents, par les personnes mêmes qui sont sensés aujourd’hui les aimer et les protéger43.

Philippe de Cathelineau mentionne les caractéristiques suivantes, qui peuvent se retrouver dans le syndrome du survivant – personne n’a tous ces symptômes à la fois :

– La culpabilité existentielle. La personne pense que c’est elle qui aurait dû mourir. Ce trait se retrouve toujours dans le syndrome du survivant. Il entraîne un état dépressif chronique, avec parfois des conduites d’auto-punition, d’auto-mutilation et des tentatives de suicide.

– L’angoisse existentielle : « Je veux vivre mais il va forcément m’arriver quelque chose, puisque je suis coupable d’être vivant à la place de mon frère ou de ma sœur. » Cette angoisse peut conduire à une fuite de la réalité et à des conduites addictives, ou encore au suicide.

– L’attachement anxieux et l’ambivalence affective. Des doutes concernent d’abord l’amour des parents, par qui l’enfant se sent aimé, tout en pensant qu’ils sont capables de le tuer. Puis ces doutes se généralisent envers toute personne dont le survivant attendrait de l’amour.

– La peur de la vérité. Elle résulte des non-dits concernant l’avortement. Elle peut conduire à la peur du dialogue, à la suppression de la communication et au refoulement des émotions.

– La méfiance dans toutes les relations humaines, dans toutes les relations amoureuses et envers toute autorité.

– Le manque de confiance en soi et donc une plus grande vulnérabilité envers les personnes toxiques.

– La culpabilité ontologique. Elle peut s’ajouter à la culpabilité existentielle. La personne pense n’avoir pas de valeur, et elle renonce à développer ses talents. Cela commence par l’école et devient un véritable syndrome d’échec.

– La violence. La révolte entraîne d’abord une agressivité envers les parents, qui va parfois jusqu’au meurtre. La personne est sujette à des colères violentes et parfois inexpliquées.

– Le rejet des valeurs des parents, et toutes les conduites dangereuses que cela peut entraîner.

– Le dédoublement de personnalité. Il existe surtout pour les enfants qui ont été mis au monde pour remplacer l’enfant avorté. L’enfant puis l’adulte se contraint à entrer dans la personnalité supposée de l’enfant regretté, et à correspondre aux attentes de ses parents.

– La perte du sens moral : la perte du respect d’autrui et de soi-même. C’est une conséquence du sentiment de ne pas avoir de valeur.

– La tendance à avorter à son tour. C’est une forme de justification de l’acte des parents.

– Le refus de Dieu. C’est une prolongation du manque de confiance envers les parents et de la révolte envers eux.

Le syndrome du survivant apparaît parfois déjà chez les nouveaux-nés, mais il ne concerne pas que des enfants, il persiste et s’aggrave à l’adolescence et à l’âge adulte, tant que rien n’est fait pour le traiter.

Certaines situations aggravent ce syndrome, par exemple dans les cas suivants : les personnes nées handicapées suite à une défaillance du dépistage médical peuvent souffrir particulièrement de savoir qu’elles ne sont vivantes que « par erreur » ; les personnes dont l’avortement avait été décidé ou envisagé, mais que les parents ont finalement décidé de garder ; ceux à qui leur mère a dit qu’elle regrettait de ne pas les avoir avortés ; ou encore les survivants d’une « réduction embryonnaire » lors d’une fécondation in vitro, qui ont eu la chance d’être portés par leur maman et non détruits ou mis au congélateur ; sans parler de ceux qui ont survécu à leur propre avortement.

Toutes ces souffrances ne sont pas une fatalité, l’aide d’une thérapie peut aboutir à de vraies résurrections44. Une vie spirituelle profonde peut aussi aider à avancer sur un chemin de guérison.

II La vie peut triompher

Les personnes accompagnant des femmes ayant avorté, que ce soit un accompagnement psychologique ou spirituel, peuvent témoigner de la possibilité de la victoire de la vie dans ces vies.

Dans la deuxième partie de son livre, le Dr Pissochet indique de nombreuses possibilités qui existent pour aider les femmes ayant avorté à entrer sur un chemin de vie, et à trouver la libération des symptômes destructeurs qu’elles portaient.

Le Dr François Volff donne des pistes pour la prise en charge thérapeutique du syndrome post-traumatique lié à l’avortement45.

Bien sûr, rien ne pourra faire que l’enfant avorté n’ait pas été avorté. Mais Dieu nous demande de ne pas rester figés dans le mal qui a été fait. Il a assumé sur la croix les conséquences de tous nos péchés, pour nous permettre d’aller de l’avant même quand nous avons commis l’irréparable.

III Message de saint Jean-Paul II aux femmes ayant avorté

Je voudrais adresser une pensée spéciale à vous, femmes qui avez eu recours à l’avortement.

L’Église sait combien de conditionnements ont pu peser sur votre décision, et elle ne doute pas que, dans bien des cas, cette décision a été douloureuse, et même dramatique. Il est probable que la blessure de votre âme n’est pas encore refermée.

En réalité, ce qui s’est produit a été et demeure profondément injuste. Mais ne vous laissez pas aller au découragement et ne renoncez pas à l’espérance. Sachez plutôt comprendre ce qui s’est passé et interprétez-le en vérité.

Si vous ne l’avez pas encore fait, ouvrez-vous avec humilité et avec confiance au repentir : le Père de toute miséricorde vous attend pour vous offrir son pardon et sa paix dans le sacrement de la réconciliation.

C’est à ce même Père et à sa miséricorde qu’avec espérance vous pouvez confier votre enfant. Avec l’aide des conseils et de la présence de personnes amies compétentes, vous pourrez faire partie des défenseurs les plus convaincants du droit de tous à la vie par votre témoignage douloureux.

Dans votre engagement pour la vie, éventuellement couronné par la naissance de nouvelles créatures et exercé par l’accueil et l’attention envers ceux qui ont le plus besoin d’une présence chaleureuse, vous travaillerez à instaurer une nouvelle manière de considérer la vie de l’homme.

Notes

1 – Maternité blessée, Guérison et renaissance du lien mère-enfant après un avortement, Dr Pascale Pissochet, éd. Pierre Téqui, p. 22.

2 – Op. cit., p. 26-27.

3 – Les conséquences médicales et relationnelles de l’avortement, Cherline Louissaint, in Droit et prévention de l’avortement en Europe, sous la direction de Grégor Puppinck, LEH Édition, p. 54.

4 – Site de Planned Parenthood Federation of America, How safe is an in-clinic abortion?,
https://www.plannedparenthood.org/learn/abortion/in-clinic-abortion-procedures/how-safe-is-an-in-clinic-abortion, consulté le 22 janvier 2023.

5 – Mifeprex Final Printed Labeling (FPL), 2005, disponible à l’adresse suivante :
www.accessdata.fda.gov/drugsatfda_docs/label/2005/020687s013lbl.pdf, consulté le 22 janvier 2023.

6 – Site de l’INED (Institut National d’Études Démographiques), Mortalité maternelle,
https://www.ined.fr/fr/lexique/mortalite-maternelle/, consulté le 22 janvier 2023.

7 – Site Gènéthique, IVG : les risques médicaux encourus par les femmes,
https://www.genethique.org/ivg-les-risques-medicaux-encourus-par-les-femmes/, consulté le 22 janvier 2023.

8 – Maternité blessée, Guérison et renaissance du lien mère-enfant après un avortement, Dr Pascale Pissochet, éd. Pierre Téqui, p. 28-29.

9 – Site Gènéthique, op. cit.

10 – Cherline Louissaint, op. cit., p. 55-56.

11 – Jean-Régis Froppo, L’avortement et ses conséquences physiologiques et psychologiques, in Collectif « 30 ans ça suffit ! », Le livre noir de l’avortement en France, éd. Téqui, p. 66.

12 – Site Gènéthique, Allongement du délai d’IVG : l’inquiétude des gynécologues, https://www.genethique.org/allongement-du-delai-divg-linquietude-des-gynecologues/, consulté le 23 janvier 2023. Cet article m’a été indiqué par le Docteur Pissochet.

13 – Site Gènéthique, Nouvelle étude faisant le lien entre IVG et cancer du sein, https://www.genethique.org/nouvelle-etude-faisant-le-lien-entre-ivg-et-cancer-du-sein/, consulté le 22 janvier 2023. Article indiqué par le Dr Pissochet.

14 – Cherline Louissaint, op. cit. p. 57.

15 – Collectif « 30 ans ça suffit ! », Le livre noir de l’avortement en France, éd. Téqui, p. 83-84.

16 – Dr Pissochet, op. cit., p. 30-31.

17 – Dr Pissochet, op. cit., p. 34-37.

18 – Philippe de Cathelineau, Les lendemains douloureux de l’avortement, p. 79-80.

19 – Cherline Louissaint, op. cit., p. 63.

20 – Dr Pissochet, op. cit., p. 42 et 47.

21 – Dr Pissochet, op. cit., p. 42. et 51.

22 – Cherline Louissaint, op. cit., p. 63.

23 – Dr Pissochet, op. cit., p. 42.

24 – Cherline Louissaint, op. cit., p. 66.

25 – Dr Pissochet, op. cit., p. 43-47.

26 – Sabine Faivre, La vérité sur l’avortement aujourd’hui, Éd. Pierre Téqui, p. 63.

27 – Philippe de Cathelineau, op. cit., p. 85.

28 – Dr Pissochet, op. cit., p. 47-48.

29 – Cherline Louissaint, op. cit., p. 63.

30 – Dr Pissochet, op. cit., p. 48-49.

31 – Cherline Louissaint, op. cit., p. 63-64.

32 – Sabine Faivre, op. cit., p. 62.

33 – Cherline Louissaint, op. cit., p. 64.

34 – Dr Pissochet, op. cit., p. 51-53.

35 – Dr Pissochet, op. cit., p. 50-51.

36 – Philippe de Cathelineau, op. cit., p. 43-44.

37 – Philippe de Cathelineau, op. cit., p. 48.

38 – Cherline Louissaint, op. cit., p. 68.

39 – Dr Pissochet, op. cit., p. 54.

40 – Dr Pissochet, op. cit., p. 55.

41 – Cherline Louissaint, op. cit., p. 65.

42 – Sabine Faivre, op. cit., p. 63.

43 – Dr Pissochet, op. cit., p. 60.

44 – Philippe de Cathelineau, op. cit., p. 91-98.

45 – Dr François Volff, Le syndrome post-avortement : un syndrome traumatique, in Collectif « 30 ans ça suffit ! », Le livre noir de l’avortement en France, éd. Téqui, p. 71-81.

La lettre ci-dessous a été envoyée à nos abonnés sous forme de livret A4 à visionner au format PDF.