La famille Ulma, les « Samaritains de Markowa », béatifiée en Pologne

Wiktoria et Jozef Ulma

Jozef et Wiktoria Ulma, ainsi que leur sept enfants, assassinés en 1944 par des nazis pour avoir caché des Juifs, ont été béatifiés dimanche 10 septembre en Pologne. Une première dans l’histoire de l’Église.

Le cardinal Marcello Semeraro, préfet du dicastère pour la cause des saints, a présidé la cérémonie de béatification de la famille Ulma, dont les neuf membres étaient représentés sur un tableau.
C’est la première fois dans l’histoire de l’Église qu’une famille entière est élevée sur les autels.

La béatification de Jozef et Wiktoria Ulma, et de leurs sept enfants, abattus par les nazis en 1944 pour avoir abrité huit juifs pourchassés, a été célébrée dimanche 10 septembre dans leur bourg natal, Markowa, dans le sud-est de la Pologne, par l’envoyée du Vatican, le cardinal Marcello Semeraro, préfet du dicastère pour la cause des saints.

La tragédie remonte au 24 mars 1944, lorsque ce village est le théâtre d’un terrible massacre. Victimes d’une dénonciation par un policier polonais, Jozef Ulma, sa femme Wiktoria, enceinte de sept mois et qui accouchera durant la fusillade, sont abattus par la police allemande sous les yeux de leurs enfants. Ces derniers, Stanislawa, Barbara, Wladyslav, Franciszek, Antoni et Maria, âgés de deux à huit ans, sont à leur tour exécutés, la maison pillée puis incendiée.

Auparavant, huit Juifs qu’ils avaient cachés dans le grenier de leur ferme sont eux aussi abattus. Les nazis criblent le plafond : le sang des victimes se répand, une goutte tombe sur une photo représentant deux femmes juives posée sur une table en-dessous. Cette photo a été conservée jusqu’à ce jour comme une « relique » du martyre juif. Shaul Goldmann et ses cinq enfants, dont sa fille Lea, la fille de cette dernière, Reshla, âgée de cinq ans, ainsi que Golda Grünfeld, sont tués. Après cette exécution, 24 Juifs seront eux aussi tués à Markowa par leurs voisins polonais.

« C’est une histoire d’amour et d’amitié, quand les Juifs ont demandé l’aide, ils ont ouvert leur porte. Ils ont vécu ensemble un an et demi, cuisiné et mangé ensemble », raconte la journaliste italienne Manuela Tulli, co-autrice d’un ouvrage sur la vie et le martyre de cette famille avec le prêtre polonais Paweł Rytel-Andrianik.

Au-delà des faits, c’est la première fois que l’Eglise accorde la béatification à une famille entière. Le Vatican a également décidé de béatifier l’enfant dont Wiktoria était enceinte, alors que d’ordinaire une personne non baptisée ne peut être béatifiée.

La tombe familiale de la famille Ulma à Markowa le 10 septembre 2023 lors de la béatification de la famille Ulma. Un couple polonais et leurs sept enfants, assassinés en 1944 par les nazis pour avoir caché des Juifs, ont été béatifiés en Pologne, une première pour une famille entière dans l’Église catholique.

Selon le Dicastère pour la cause des saints, le septième enfant « est né au moment du martyre de la mère ». « Ce dernier a donc été ajouté au nombre des enfants, martyrs eux aussi. De fait, dans le martyre des parents, il a reçu le baptême du sang », précise un communiqué du dicastère.

« Sans jamais avoir prononcé un mot, le petit bienheureux crie aujourd’hui au monde moderne d’accueillir, d’aimer et de protéger la vie, en particulier celle des sans défense et des marginalisés, depuis le moment de sa conception jusqu’à la mort naturelle, a salué le cardinal Marcello Semeraro au cours de son homélie. C’est sa voix innocente qui veut ébranler les consciences d’une société où sévissent l’avortement, l’euthanasie et le mépris de la vie considérée comme un fardeau et non comme un cadeau. La famille Ulma nous encourage à réagir à cette culture du jetable que dénonce le pape François. »

En accueillant huit juifs persécutés par le régime nazi, « la maison des Ulma est devenue cette auberge où l’homme méprisé, exclu et frappé par la mort a été logé et soigné », a poursuivi le préfet du dicastère pour la cause des saints. Ce qui leur a valu le surnom des « Samaritains de Markowa ». « Ils ont vécu une sainteté non seulement conjugale, a conclu le préfet, mais aussi pleinement familiale, éclairée et soutenue par la grâce sanctifiante du baptême, de l’eucharistie et des autres sacrements. Ce n’est qu’ainsi que « la beauté et la grandeur du sacrement du mariage » peuvent émerger ».

« Que cette famille polonaise, qui a représenté un rayon de lumière dans les ténèbres de la Seconde Guerre mondiale, soit pour nous tous un modèle à imiter dans l’élan du bien, au service de ceux qui sont dans le besoin », a déclaré pour sa part, dimanche, le pape François lors de son angelus place Saint-Pierre.

Un musée portant le nom des Ulma, dédié aux Polonais ayant sauvé des juifs, a ouvert à Markowa en 2016. Depuis 2018 la Pologne consacre le 24 mars au souvenir des Polonais ayant sauvé des juifs pendant l’occupation allemande.