L’infertilité, un problème de santé publique majeur dont les causes ne sont pas toutes identifiées

Une personne sur six dans le monde a été confrontée au cours de sa vie à des difficultés pour avoir un enfant.

Si les effets environnementaux font l’objet de plus en plus d’études, ils ne sont pas les seuls facteurs d’infertilité.

En avril, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié un large rapport sur l’infertilité concluant qu’il s’agissait d’«un problème de santé publique majeur». Une personne sur six dans le monde a été confrontée au cours de sa vie à des difficultés pour avoir un enfant.

Si le problème est universel – sa prévalence varie très peu d’une région du monde à l’autre – il est encore plus visible dans les pays développés où le taux de fécondité décroît fortement depuis plusieurs décennies.

La France fait certes un peu mieux que le reste de l’Europe, avec un indice de fécondité supérieur à la moyenne du continent (1,82 enfant par femme contre 1,5), mais celui-ci baisse et est passé en dessous du seuil de renouvellement des générations (2,1 enfants par femme dans notre pays).

«En Italie, la situation est encore plus critique, puisque avec un indice conjoncturel de fertilité de 1,2 enfant par femme, le pays pourrait perdre 12 millions d’habitants, sur une population actuelle de 60 millions de personnes d’ici 2040, explique le P Samir Hamamah, responsable du département de biologie de la reproduction du CHU de Montpellier et président de la Fédération française d’études de la reproduction. La baisse de la natalité est un enjeu pour toute l’Europe.»

Les médias parlent beaucoup des effets environnementaux, «mais l’âge reste le facteur le plus important», souligne la Dr Lucie Chansel-Debordeaux, spécialiste de la reproduction au CHU de Bordeaux. «La fertilité diminue avec l’âge, surtout chez la femme. L’insuffisance ovarienne physiologique de la femme liée à l’âge s’accompagne d’une altération de la qualité des ovocytes.» Le rapport sur les causes d’infertilité remis au gouvernement en 2022 résume: «En France comme dans l’ensemble des pays industrialisés, la hausse de l’infertilité résulte tout d’abord du recul de l’âge à la maternité.»

En quarante ans, l’âge de la première grossesse a augmenté de 5 ans, et était de 29 ans en 2019. Et cet âge moyen augmente encore plus pour les femmes qui ont fait des études supérieures et attendent encore plus longtemps avant de vouloir fonder un foyer. Or le risque d’infertilité est multiplié par deux entre 30 et 40 ans.

«Pour l’homme et la femme, la fertilité est maximale autour de 25 ans» explique le P Hamamah. À cet âge, quand le couple n’a pas de problème d’infertilité, une femme a un taux de succès pour arriver à une fécondation de 25 % par cycle. À 35 ans, ce taux chute à 12 % et n’est plus que de 6 % à 40 ans.» Ces statistiques concernent des chances de réussite pour un homme et une femme en bonne santé, qui ne souffrent pas d’une pathologie réduisant leurs chances d’avoir un enfant.

L’âge n’est pas le seul facteur en cause

Selon la définition de l’OMS, «l’infertilité est une maladie du système de reproducteur masculin ou féminin, définie par l’incapacité d’obtenir une grossesse après douze mois ou plus de rapports sexuels non protégés.» Avec cette définition, et en prenant par exemple un taux de fécondation par cycle de 6 % après 40 ans, on comprend qu’à cet âge, l’infertilité n’est pas forcément liée à un problème médical ou environnemental, mais à la baisse naturelle des chances de fécondation de l’ovocyte liée à l’âge.

Le désir d’enfant de plus en plus tardif et cette contrainte biologique se traduisent en France par un recours croissant aux traitements de l’infertilité pour les femmes de plus de 34 ans. Et la technique est loin de pouvoir résoudre le problème, car les taux de succès des techniques de fécondation in vitro chutent rapidement après la période 30-34 ans.

«Trop de couples pensent que la FIV est une solution miracle, ce n’est malheureusement pas le cas», explique le Pr Hamamah. Sans compter que «la plupart des couples n’anticipent pas à quel point un parcours d’assistance médicale à la procréation peut être lourd, physiquement et psychologiquement», rappelle la Dr Fleur Delva, médecin au centre Artemis du CHU de Bordeaux, une plateforme en santé environnementale dédiée à la reproduction.

Un calcul de l’Ined (Institut national des études démographiques), montre qu’au-delà de 40 ans, même avec le recours à une technique d’aide médicale à la procréation, plus d’un tiers des femmes risquent de rester sans enfant.

L’âge n’est évidemment pas le seul facteur en cause dans l’infertilité. «Schématiquement, il y a 30 % d’infertilité d’origine féminine, 30 % d’origine masculine, 20 % mixte et 20 % d’origine inexpliquée, résume la Dr Chansel-Debordeaux. Et il est extrêmement difficile de quantifier l’importance des causes environnementales et comportementales.»

En France comme dans le reste du monde, les études épidémiologiques ne constatent pas d’évolution marquée de l’infertilité, à la hausse ou à la baisse, ce qui tend à montrer que l’influence des modes de vie et de l’environnement n’a probablement pas fortement évolué ces dernières décennies. «On sait que l’activité physique, l’obésité, l’alimentation, le tabac et l’alcool sont des points très importants qui peuvent affecter la qualité des gamètes (spermatozoïdes et ovocytes, NDLR)», rappelle néanmoins la Dr Fleur Delva.

Les causes environnementales font l’objet de plus en plus d’études. Certains composés, comme les métaux lourds ou des pesticides (désormais interdits) ont des effets reprotoxiques qui sont prouvés. Il y a aussi «de plus en plus de soupçons sur les effets des perturbateurs endocriniens (des produits chimiques qui dérèglent le fonctionnement hormonal, NDLR), mais peu de certitudes absolues, résume le Pr Thomas Fréour, chef de service biologie et médecine de la reproduction au CHU de Nantes. Des associations ont été retrouvées dans des études, mais pas ou peu de causalités ont été démontrées.»

«Comme la reproduction est contrôlée dans nos organismes par le système endocrinien, il est sûr que ces produits peuvent avoir un effet négatif, explique la Dr Fleur Delva. Mais cela ne veut pas dire que dans la vie de tous les jours, avec des expositions à des niveaux très faibles, tous les perturbateurs endocriniens vont avoir un impact, car notre système hormonal dispose notamment de mécanismes d’adaptations aux perturbations.»

Dans son rapport remis au ministère de la Santé en 2022, le Pr Hamamah plaide pour la mise en place d’un système d’étiquetage obligatoire sur les produits de consommation courante, pour mentionner la présence de produits reprotoxiques.

Le Figaro – Par Cyrille Vanlerberghe – publié le 7 octobre 2023