Humanæ vitæ : qu’en penser aujourd’hui ?

Lettre Réseau Vie décembre 2021

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Table des matières
I. Quelques données préliminaires
1. Législation en France
2. Évolution du nombre de cancers du sein
3. Évolution de la natalité
4. Évolution du nombre d’avortements
5. Évolution du nombre de mariages / pacs / divorces
a. Nombre de mariages en milliers (métropole)
b. Nombre de PACS en milliers
c. Nombre de divorces en milliers
6. Vous avez dit « surpopulation » ?
II. Humanae Vitae, une prophétie attestée par les faits
III. Humanae Vitae, une proposition alternative réaliste
IV. Contexte hostile
V. Responsabilité des pasteurs
VI. Humanae Vitae, une conception de l’homme « image de Dieu »
Bibliographie

Deux visions opposées de l’homme [sont] en concurrence : [incarnée ou désincarnée]. Selon que l’on opte pour l’une ou l’autre conception de l’homme, [la législation prend] une tout autre direction1.

Abréviations et notations

HV : l’encyclique Humanae Vitae (1968)
CEC : catéchisme de l’Eglise catholique (1997)
VS : l’encyclique Veritatis Splendor (1993)

Les citations d’Humanae Vitae utiliseront une couleur spécifique, et préciseront la référence.

I. Quelques données préliminaires

Ce paragraphe se veut une source référencée de données, afin de prolonger au besoin l’étude par des corrélations visibles (ex= augmentation conjointe du nombre d’avortement et de divorces, en même temps que diminue le nombre de mariages catholiques). L’intérêt est de partir du réel et d’éviter les formules vagues, fruits de connaissances insuffisantes.

Contrairement à ce que serinent les médias subventionnés, la pratique chrétienne, en particulier catholique, tend à se revigorer en ferveur et jeunesse, mais nous devons autant que possible rester rigoureux dans nos connaissances pour l’accompagner à notre mesure.

1. Législation en France

Loi Neuwirth (légalisation la pilule, puis les divers contraceptifs) : 19 décembre 1967 ; suivie de diverses prolongations notamment en direction des mineures. Loi Veil (légalisation de l’avortement, avec des conditions restrictives et « à titre expérimental pour 5 ans », jusqu’à 10 semaines d’aménorrhée) : 17 janvier 1975 ; étendue successivement en 1982 (remboursement SS), 2001 (extension à 12 semaines et à l’avortement « médicamenteux », facilités pour les mineures), 2015 (suppression du délai de réflexion).

2. Évolution du nombre de cancers du sein

Note : les données semblent difficiles à obtenir ; les chiffres en gras proviennent de sources confirmées – inserm, santé publique, institut national du cancer… ; les autres sont calculés à partir de données confirmées et de la proportion estimée, dont les variations semblent faibles au cours du temps : 46 % de cancers féminins (du nombre total) dont 32 % de cancers de sein2.

3. Évolution de la natalité

(= nombre annuel de naissances, en milliers)

Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/1892117?sommaire=1912926

4. Évolution du nombre d’avortements

(en milliers)

Source : https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/avortements-contraception/avortements/ ; le chiffre retenu est celui fourni par les services administratifs des actes médicaux ; les « évaluations » sont à prendre avec précaution : on sait désormais qu’elles ont été outrageusement surévaluées au début en vue de justifier la loi de 1975, puis ses extensions.

5. Évolution du nombre de mariages / pacs / divorces

Sources : https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/mariages-divorces-pacs/remariages/ et https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277624?sommaire=4318291
https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/mariages-divorces-pacs/pacs
https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/mariages-divorces-pacs/divorces

a. Nombre de mariages en milliers (métropole)

Les chiffres entre parenthèses donnent le pourcentage de mariages catholiques ; par exemple l’année 1970 a vu 394.000 (arrondi) mariages dont 75 % de mariages catholiques.

Par ailleurs la proportion de « 1er mariage » a évolué : en 1970, elle était de 92 % environ ; en 1980, 88 % ; 1990, 84 % ; 2000, 82 % ; cette proportion est stable autour de 80 % à partir de 2006 (donc 20 % sont des remariages, essentiellement après divorce).

L’âge moyen du mariage évolue également au cours du temps (estimation à partir d’un âge moyen de remariage 10 ans plus âgé que le premier) : en 1997, 31 ans pour les hommes / 28 ans pour les femmes ; 2002 : 32 h / 29 f ; 2007 : 34/31 ; 2011-12 : 35/32 ; 2013-14 : 35/33 ; 2015-16 :36/33 ; 2017 : 36/34 ; 2018 :37/34.

b. Nombre de PACS en milliers

La grande leçon des chiffres est que le Pacs entre personnes de même sexe n’en représente qu’une petite minorité (6 % la première année, qui descend rapidement à moins de 4 % en moyenne) ; les chiffres retenus sont ici ceux de personnes de sexe opposé, seule donnée significative dans ce cadre.

c. Nombre de divorces en milliers

La proportion de divorces est à peu près stable depuis 2007, autour de 45 % des mariages ; cela ne correspond pas au quotient du nombre brut de divorces rapporté au nombre de mariages de la même année : il s’écoule en effet un certain temps, variable, entre l’union et la désunion.

À partir de 2017 les chiffres manquent de fiabilité, du fait du divorce « à l’amiable » hors traitement judiciaire, non comptabilisé.

6. Vous avez dit « surpopulation » ?

L’argument de la surpopulation n’est pas neuf ; un auteur calculait début XXème que l’ensemble de la population française tenait sur la place de l’Étoile à Paris. On lira avec intérêt à ce sujet l’analyse de Mgr Giampaolo Crepaldi4 et plus particulièrement le point 8 ; en substance, le modèle de la « surpopulation » repose sur une économie du superflu, là où l’économie réelle prend en compte l’enrichissement de la nature par l’homme, à l’instar du développement au cours du moyen âge sous l’impulsion monastique5.

L’accroissement de la population mondiale au XXème est essentiellement dû aux progrès de la médecine ; les projections démographiques prennent en compte le retard de l’évolution des courbes de natalité parallèlement à celles de mortalité et annoncent depuis plusieurs décennies une tendance asymptotique mondiale autour de 10 Mds hab.

Un calcul simple montre qu’à raison de 2 m² par habitant6 , une telle population tient sur un territoire de 20.000 km², sensiblement l’étendue de l’île de la Sardaigne ; soit un peu moins de 0,015 % de la superficie totale des terres émergées. Ce même calcul montre que l’ensemble de la population chinoise tiendrait sur un petit département français.

Sur la capacité de nourrir – et abreuver – la population, on peut rappeler que la surface cultivée a diminué depuis le début XXème en même temps que les rendements et les capacités de stockage augmentaient. Les famines des âges antérieurs, pour la plupart très localisées dans le temps et l’espace, étaient dues essentiellement au défaut de circulation des denrées7.

Les grandes famines anciennes ou récentes ont toujours été provoquées par les conflits armés, utilisées au besoin comme une arme par les belligérants ; et dans une moindre mesure par les catastrophes naturelles : par exemple la grande peste du XIVème a provoqué un défaut de main d’œuvre et le retour en friche d’un grand nombre de terres arables : c’est bien la conséquence d’une « sous-population » temporaire.

Enfin la consommation domestique d’eau ne représente d’une petite proportion (autour de 10 %) de la consommation totale, avec des variantes selon les régions du globe, l’eau de boisson n’en représentant qu’une toute petite fraction. C’est une matière première entièrement recyclée même si l’apport de molécules indésirables (pharmacie, industrie…) est nettement perfectible, tout comme la gestion de l’eau strictement destinée à la boisson et l’alimentation.

II. Humanae Vitae, une prophétie attestée par les faits

Voici l’une des conséquences prévues par Humanae Vitae, dont on peut mesurer la lucidité :

HV 17 : [Que les hommes droits] considèrent d’abord quelle voie large et facile ils ouvriraient [par une régulation artificielle de la natalité] à l’infidélité conjugale et à l’abaissement général de la moralité. […] On peut craindre que l’homme […] ne finisse par perdre le respect de la femme et, sans plus se soucier de [son] équilibre physique et psychologique, n’en vienne à la considérer comme un simple instrument de jouissance égoïste […]

Le même paragraphe met également en garde contre le risque de mettre une telle « arme » aux mains des autorités publiques, tentées de s’immiscer dans l’intimité du couple et d’imposer « la méthode de contraception estimée par [elles] la plus efficace. » Comment ne pas faire le lien avec l’avortement désormais présenté comme simple prolongement de ces méthodes, et dont diverses dispositions législatives escamotent de plus en plus les garde-fous ?

Ou désormais les lois dites « bioéthiques » dont le but avoué est l’eugénisme le plus barbare, dans un premier temps par simple incitation, et puis… ? La perte du respect de l’homme pour la femme peut se mesurer très simplement, à la fois quantitativement (données initiales) et surtout qualitativement : si on se rappelle l’échange de Matthieu 19, la répudiation est une concession faite aux hommes en vertu de leur dureté de cœur.

Le mariage catholique, laborieusement élaboré au cours du temps pour une forme à peu près achevée au XIIIème, représente une protection de la femme, et aussi des enfants. On peut être impressionné par la virtuosité avec laquelle des mesures clairement défavorables à la femme (divorce ~ répudiation, pacs et « consentement mutuel » qui le facilitent encore) ont été présentées comme des libertés chèrement acquises…

Rappelons le très clair HV 14 : […] nous devons encore une fois déclarer qu’est absolument à exclure […] l’interruption directe du processus de génération déjà engagé, et surtout l’avortement directement voulu et provoqué [ainsi que la stérilisation perpétuelle ou temporaire et toute action qui se propose pour but de rendre impossible la procréation. [Il] n’est pas permis, même pour de très graves raisons, de faire le mal [en vue d’]un bien.

D’autres effets, peut-être plus dévastateurs encore, sont apparus : l’aggravation de la santé, de la femme d’abord par les produits dangereux ingérés volontairement (encore une fois en le présentant comme une « liberté » pour elle !), puis de toute la population après leur rejet et concentration dans les eaux usées, et combinaison avec d’autres molécules (infertilité, multiplication de maladies autrefois rares comme l’autisme…).

Également des effets sociologiques majeurs : de déficit de population (avec sa cohorte d’effets incontrôlables) ; d’isolement et paupérisation (conséquences à des degrés divers des divorces) ; de très sérieux troubles, désormais largement documentés, consécutifs aux avortements ; la multiplication des addictions (y compris la pornographie) ; et une méfiance mutuelle généralisée parfois en « guerre des sexes », qui provoque des troubles et doutes identitaires chez des personnes vulnérables livrées de plus en plus jeunes aux prédateurs.

Observons que le moteur de cette dérive auto-entretenue est bien la soumission volontaire de l’homme à ses propres passions8 , contre laquelle Humanae Vitae mettait justement en garde.

III. Humanae Vitae, une proposition alternative réaliste

Le principe posé : l’union homme-femme ne prend sa pleine signification que dans le don mutuel total.

La question n’est pas neuve, c’est celle de la concupiscence, mot désuet pour désigner une réalité intemporelle, celle de l’utilisation de l’autre à son propre profit, plus ou moins comme un objet. C’est tout le développement de la Théologie du Corps, qui transforme radicalement la vie conjugale (ou engagée) de ceux qui s’y plongent ; les conséquences concrètes, vécues, sont vertigineuses.

Ce que Humanae Vitae ne dit pas : que toute union devrait déboucher sur une conception, ou toute assertion du même acabit.

Humanae Vitae 24 formulait le souhait que la science médicale réussisse à donner une base sûre à une régulation des naissances fondée sur l’observation des rythmes naturels. En effet, en même temps que Sa création, Dieu a totalement remis entre les mains du couple homme-femme la responsabilité de la transmission de la vie, ce qui les implique dans toutes leurs dimensions, pas seulement affective.

Humanae Vitae 11 : chaque rencontre n’engendre pas une nouvelle vie. Dieu a sagement fixé des lois et des rythmes naturels de fécondité qui espacent déjà par eux-mêmes la succession des naissances.

Humanae Vitae 16, l’Église est la première à louer et recommander l’intervention de l’intelligence dans une œuvre qui associe de si près la créature raisonnable à son Créateur, […] dans le respect de l’ordre établi par Dieu. […] L’église enseigne qu’il est permis [en raison de motifs à apprécier] de tenir compte des rythmes naturels, inhérents aux fonctions de la génération, pour user du mariage dans les seules périodes infécondes […] sans porter atteinte aux principes moraux [rappelés]. [En effet dans ce cas,] les conjoints usent légitimement d’une disposition naturelle [en cherchant à éviter une nouvelle naissance… et] savent renoncer à l’usage du mariage dans les périodes fécondes.

La bonne nouvelle, c’est qu’effectivement depuis l’année de rédaction d’Humanae Vitae, la connaissance du cycle féminin s’est considérablement affinée9. Une méthode comme la naprotechnologie est actuellement de loin la plus efficace pour les problèmes d’infertilité du couple – en gros le double (35%) de la PMA10 (moins de 17%) – en respectant la santé et le corps de la femme contrairement aux méthodes invasives.

Euh… oui, mais on parlait bien de contraception là, non ?

En fait c’est une retombée intéressante de ces méthodes : si la femme parvient à connaître avec une relative précision ses périodes fertiles, les infertiles sont simplement les autres… Cerise sur le gâteau, si la femme informe – honnêtement ! – son mari, c’est bien lui qui prend la décision ; et assume donc la responsabilité. Et figurez-vous, mesdames, que vous pouvez être agréablement surprises, ne serait-ce que par les fruits en matière de maîtrise de soi et respect mutuel.

C’est ce qu’Ingrid d’Ussel pointe avec justesse : par son abstinence périodique l’homme participe à l’inconfort périodique de sa femme. Soutenu par elle (Ingrid d’Ussel donne des recommandations très pragmatiques), il s’élève dans la maîtrise de soi, la volonté. Le prêtre qui vit cette abstinence radicale trouve également un soutien dans ces couples et peut les encourager.

IV. Contexte hostile

Deux définitions préliminaires (nous retiendrons ici celles tirées du Littré, qui prend en compte l’historique du sens des mots) :

MORALITÉ : rapport des actions humaines avec les principes qui en sont la règle.

ETHOS : ensemble des comportements spécifiques des individus d’une même société.

Nous utiliserons donc le mot ‘morale’ en référence à des principes extérieurs à l’homme, comme le décalogue ou ce qu’on appelle loi naturelle, ensemble de conséquences tirées de la réalité observée. Le mot ‘éthique’ sera associé aux comportements considérés comme conformes à l’usage dans une société (autoréférence) ; ce qui inclut le glissement inéluctable lorsque la perception dominante évolue, y compris par la manipulation (ou ingénierie sociale).

Les lecteurs avertis reconnaîtront le thème développé dans l’encyclique Veritatis Splendor (par ex le §46). On retrouve également cette lecture dans Humanae Vitae 4 qui parle explicitement de loi morale naturelle, expression de la volonté de Dieu.

Rappelons brièvement le contexte de la rédaction d’Humanae Vitae. Le concile Vatican II (1962-1965) a été traversé de tensions très fortes ; on peut les résumer dans l’opposition entre une « herméneutique de rupture, et une autre de continuité » ; c’est la première qui a conduit une partie du clergé à s’autoriser de parler d’un « esprit Vatican II » qui leur permettra ultérieurement d’imposer leur propre lecture au-delà des textes, voire en opposition.

On est tenté de leur attribuer le verset de 2 Jn : « Quiconque va plus avant et ne demeure pas dans la doctrine du Christ ne possède pas Dieu » même si celui-ci concerne les « séducteurs [qui] se sont répandus dans le monde, qui ne confessent pas Jésus Christ venu dans la chair ». L’encyclique Veritatis Splendor leur répondra en 1993. Il semble également que les apparitions récentes, reconnues, de Marie aillent dans le même sens.

Certains thèmes prévus au concile n’ont simplement pas pu être traités et se sont vus retirés, en particulier celui portant sur la régulation des naissances qui a révélé de profondes divisions. Rappelons que l’arrivée toute récente de la « miraculeuse » pilule promettait des lendemains toujours enchantés. Nous connaissons maintenant les conditions sordides de sa mise au point et les conséquences toxiques de son utilisation mais celles-ci étaient soigneusement dissimulées (volontairement ignorées ?) par ses promoteurs à ce moment.

Le pape Paul VI qui a eu le courage de passer outre ne se faisait guère d’illusion. HV 18 : On peut prévoir que cet enseignement ne sera peut-être pas facilement accueilli […] : trop de voix – amplifiées par les moyens modernes de propagande – s’opposent à la voix de l’Église. Celle-ci […] ne cesse pas […] de proclamer […] toute la loi morale, tant naturelle qu’évangélique. Ce n’est pas elle qui a créé cette loi, […] elle en est seulement la dépositaire et l’interprète. […] Elle défend par là même la dignité des époux.

Il semble avoir perçu avec une particulière lucidité la dérive accompagnée par les responsables publics (au sens de l’éthique précisé au début) :

HV 23 : Nous [vous] disons : ne laissez pas se dégrader la moralité de vos peuples ; n’acceptez pas que s’introduisent, par voie légale, dans cette cellule fondamentale de la société qu’est la famille, des pratiques contraires à la loi naturelle et divine.

Ou encore HV 22 : Tout ce qui […] porte à l’excitation des sens […] comme aussi toute forme de pornographie […] doit provoquer la franche et unanime réaction de toutes les personnes soucieuses du progrès de la civilisation. Le même numéro évoque également les « prétendues exigences artistiques ou scientifiques » qui favorisent les dépravations.

Nous reconnaissons dans cette description étonnamment précise, sans qu’il soit besoin de commentaires, bien des réalités actuelles. Pourtant nul ne pouvait imaginer au moment de sa rédaction que se populariserait plus de deux décennies plus tard, dans les cercles de pouvoir occidentaux essentiellement, une idéologie balbutiante11 visant à falsifier la complémentarité vécue dans le couple.

Nul ne pouvait imaginer que pourrait être publié, sans réaction notable, l’atterrant document de l’OMS : Standards pour une Éducation Sexuelle… visant explicitement les enfants. Il a fallu que soit entreprise la mise en œuvre effective de ces théories, avec toutes leurs conséquences sur les civilisations, pour que les peuples commencent à se réveiller. Car c’est bien la civilisation chrétienne qui est visée : nous aborderons ce point dans le dernier paragraphe.

V. Responsabilité des pasteurs

Humanae Vitae 28-29 rappelle aux prêtres que [leur] première tâche, spécialement pour ceux qui enseignent la théologie morale, est d’exposer sans ambiguïté l’enseignement de l’Église sur le mariage. [Il] est de souveraine importance [que] tous s’en tiennent au Magistère de l’Église et parlent d’un même langage. Ne diminuer en rien la salutaire doctrine du Christ est une forme éminente de charité envers les âmes.

Sans pour autant tomber dans la rigidité ni l’exploit personnel : Cela doit toujours être accompagné de la patience et de la bonté dont le Seigneur lui-même a donné l’exemple en traitant avec les hommes. […] Enseignez aux époux la voie nécessaire de la prière, préparez-les à recourir souvent et avec foi aux sacrements de l’eucharistie et de la pénitence, sans jamais se laisser décourager par leur faiblesse.

Humanae Vitae 30 est un appel spécifique aux évêques à [travailler] avec ardeur et sans relâche à la sauvegarde et à la sainteté du mariage […] Considérez cette mission comme l’une de vos plus urgentes responsabilités dans le temps présent.

On peut raisonnablement observer que le pape n’a pas été entendu avec ponctualité. Une grande part de la responsabilité des pasteurs peut être atténuée par le constat objectif que le peuple de Dieu était nettement plus attiré par les séduisantes sirènes du « jouir sans entraves » que par l’austère simplicité d’une vocation dont la lumineuse transcendante ne sera progressivement révélée, encore sous forme voilée, qu’avec les enseignements de Jean-Paul II au début des années 80.

Pour autant, on est tenté de voir dans la fausse accusation persistante d’élitisme, exprimée par une partie du clergé, une vraie paresse pastorale face aux responsabilités qui leur incombent. Les épiscopats de certains pays ont affronté ces difficultés : les taux comparés d’échec des mariages catholiques tendent à leur donnent raison. Une autre responsabilité considérable à laquelle bien des responsables d’Église se sont soustraits est politique.

Rappelons la constitution Gaudium et Spes, pour laquelle « l’avortement est un crime abominable », confirmée explicitement dans CEC 2270-2275. La mollesse de l’opposition épiscopale française lors des discussions du premier vote de janvier 1975 fait peser une bien lourde responsabilité sur leurs épaules. De l’aveu même des promoteurs de cette loi, elle ne serait pas passée si l’opposition avait été franche et massive.

La perte de discernement qui l’a accompagnée a perdu en partie l’Église dans un activisme caritatif purement horizontal, censé représenter la quintessence du message évangélique. Ont ainsi manqué à leurs responsabilités, et continuent à le faire, ceux qui n’avertissent pas les fidèles du danger pressant pour leur salut (CEC 2272) lorsqu’ils apportent leurs suffrages à un candidat ouvertement en faveur de l’avortement et son extension. Bien des chrétiens convaincus ont été interloqués par un appel opposé émanant du plus haut de la hiérarchie catholique, lors des élections présidentielles américaines de 2020.

VI. Humanae Vitae, une conception de l’homme « image de Dieu »

Nous reviendrons peut-être prochainement sur l’opposition radicale entre les deux visions de l’homme évoquées en liminaire. Elle éclaire les évolutions actuelles : ce qui parait absurde et erratique devient parfaitement logique et prévisible même si la direction prise fait frémir. Nous nous limiterons ici à la vision chrétienne de l’Homme.

Humanae Vitae 25 résume en quelques mots la vocation magnifique, concrète et parfaitement viable, des époux chrétiens : C’est [aux époux chrétiens] que le Seigneur confie la tâche de rendre visible aux hommes la sainteté de la loi qui unit l’amour mutuel des époux à leur coopération à l’amour de Dieu, auteur de la vie humaine.

Citons l’étonnant chapitre 5 de l’Épître de Paul aux Éphésiens, audacieux parallèle entre l’amour conjugal et celui entre le Christ et l’Église : « Grand est ce mystère, je veux dire par rapport au Christ et à l’Église. » Les moyens à disposition des époux sont rappelés : qu’ils implorent par une persévérante prière l’aide divine [et] puisent surtout dans l’eucharistie à la source de la grâce et de la charité. Et encore une fois aucune perfection surhumaine n’est attendue : Et si le péché avait encore prise sur eux, qu’ils ne se découragent pas mais recourent avec une humble persévérance à la miséricorde de Dieu.

Il est ainsi parfaitement légitime de voir dans le foyer chrétien le lieu privilégié d’apprentissage de la charité : si j’apprends à pardonner à mon conjoint les petites maladresses quotidiennes comme parfois les fautes plus lourdes ; si je suis progressivement rendu capable de l’aimer de façon inconditionnelle avec les imperfections qui font aussi sa personnalité, alors je deviens reflet de l’Amour du Christ et je réalise davantage ce dont je bénéficie déjà.

Humanae Vitae 9 rappelle les caractéristiques de l’amour conjugal : C’est […] un amour pleinement humain, […] total, […] fidèle et exclusif, [et] enfin fécond, sachant que si la fécondité concerne en premier lieu la procréation, elle ne s’y limite pas. Le pardon incessant donné à ses enfants, l’attention gratuite qu’on apporte à leur développement sont de bons exemples de fécondité et charité, qui s’étend ensuite naturellement à de moins proches, en cercles concentriques.

Bibliographie

HUMANAE VITAE, qu’il est sans doute préférable d’avoir en (toute) petite brochure à moins de 5€ (par ex aux édition Téqui), ou téléchargeable ici : http://www.vatican.va/content/paul-vi/fr/encyclicals/documents/hf_p-vi_enc_25071968_humanae-vitae.html

VERITATIS SPLENDOR (même remarque) : http://www.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/encyclicals/documents/hf_jp-ii_enc_06081993_veritatis-splendor.html

CATÉCHISME DE L’EGLISE CATHOLIQUE (moins de 10€, dans toute librairie catholique)

GRÉGOR PUPPINCK, Les droits de l’homme dénaturé [GP livre une étude fine des philosophies sous-jacentes aux deux approches juridiques en opposition : positiviste (= le droit définit le «bien») ou ‘naturelle’ (= il existe des principes universels communs à tous les hommes)]. On peut ajouter le dernier ouvrage de l’auteur, Objection de conscience et droits de l’homme, qui fonde historiquement la supériorité de la loi naturelle et des principes universels ; par exemple Nuremberg a utilisé ces principes pour condamner les nazis qui se réclamaient de la loi (positive) allemande qui introduisait une exception à ces principes.

INGRID D’USSEL, Humanae Vitae questionnée par Proust [petit opuscule de 10€, très original et très concret dans son approche ; les références à Jean de la Fontaine et Aldous Huxley méritent d’être nuancées au regard d’autres productions moins défendables de ces auteurs.]

OLIVIER MINVIELLE, Petite histoire de l’Eglise catholique [cet ouvrage assez court et clair rectifie pas mal de contrevérités élaborées et enseignées depuis le XIXème vigoureusement anticlérical]. Dans le même sens mais beaucoup plus fouillé, JEAN GUIRAUD, Histoire partiale, histoire vraie, rédigé début XXème, en quatre tomes.]

Notes

1 Grégor Puppinck, « Les droits de l’homme dénaturé » ; GP est directeur du Centre Européen pour le Droit et la Justice et expert auprès de diverses organisations internationales

2 L’auteur apprécierait toute information complémentaire dans ce domaine. Une autre donnée significative peut être l’évolution du nombre de boites de pilules contraceptives mises en vente dans cette même période.

3 Chiffre donné par le pr. Henri Joyeux : La pilule, p.56

4 3ème Journée nationale de la Doctrine Sociale de l’Eglise, au couvent franciscain de San Daniele, 17/10/2020 https://www.marcotosatti.com/2020/10/19/mons-crepaldi-liberare-leconomia-dalle-ideologie/ (italien) ou http://www.benoit-et-moi.fr/2020/2020/03/19/le-monde-nouveau-qui-emergera-du-coronavirus/ (lien vers une traduction française)

5 Voir par exemple : Olivier Minvielle, Petite histoire de l’Eglise catholique, ou plus complet : Jean Guiraud, Histoire partiale, histoire vraie

6 La densité de certaines plages populaires, au coeur de l’été…

7 Lire par exemple Jean Guiraud, Histoire partiale, histoire vraie

8 Comportement revendiqué par Calliclès, troisième interlocuteur de Socrate dans Gorgias

9 Ou peut-on dire que la femme en a retrouvé la perception ? Rappelons par exemple que la fécondité démographique en Amérique est passée d’environ 7 enfants par femme en 1800, à 2,2 en 1930

10 En dehors du cas spécifique où l’infécondité provient d’une difficulté raisonnablement traitable, par exemple une difficulté liée au transit des gamètes en vue de la fécondation, le recours à une des (coûteuses) techniques en vogue revient peu ou prou à ouvrir les ébats du couple à un tiers (bébé ‘éprouvette’), ouvrir son corps à un inconnu pour la femme (PMA ‘avec donneur’) ou envoyer son mari dans le lit d’une autre à qui on retire son enfant à la fin (GPA).

11 Le ‘gender’, dont la publication en 1990 de l’Américaine J. Butler peut marquer l’émergence hors de cercles restreints ; il n’est pas totalement abusif de résumer cette doctrine en un adage : « l’idéal féminin est d’être une [mauvaise] imitation de l’archétype viril »

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