L’accouchement sous X est-il une bonne solution ?

Table des matières
Comment se déroule un accouchement sous X ?
La mère peut-elle changer d’avis après un accouchement sous X ?
Accoucher sous X : les droits du père et des grands-parents
L’accouchement sous X est-il vraiment anonyme ?
Est-il injuste de faire naître un enfant sous X ?
Accoucher sous X, une démarche qui demande du courage
Comment vivre après un accouchement sous X ?
Une femme enceinte seule, ou un couple, peut être dans une situation où l’accueil d’un enfant n’est pas envisageable. Cela peut être pour des raisons matérielles1, psychologiques, sociales, de santé physique, ou parce que les parents apprennent que l’enfant est handicapé et estiment que l’élever serait trop lourd pour eux. Dans ces situations-là, beaucoup de personnes de l’entourage risquent de conseiller un avortement. L’autre possibilité existant en France, qui demande beaucoup de courage, est de permettre à l’enfant de vivre, et de le confier à l’adoption : l’accouchement sous X.
Comment se déroule un accouchement sous X ?
Démarches à faire
En France, une femme peut choisir la maternité qu’elle souhaite, publique ou privée, et demander à accoucher sous X à n’importe quel moment de sa grossesse. À partir du moment où l’accouchement sous X est décidé, éventuellement dès le début du suivi, un dossier médical anonyme est constitué : une femme qui demande à accoucher sous X n’est pas obligée de donner son identité réelle à la maternité. Il n’y aura aucune enquête sur son identité.
La mère peut donner une lettre ou des éléments la concernant sous pli fermé : son identité si elle le souhaite, des éléments concernant sa santé et la santé du père de l’enfant, les origines de l’enfant, les circonstances de sa naissances, les raisons pour lesquelles elle a décidé de le confier pour adoption… Ce pli sera remis à l’enfant à ses 18 ans, s’il en fait la demande au CNAOP (Conseil national pour l’accès aux origines personnelles), ou à partir de 13 ans en cas de levée du secret des origines par la mère.
La mère qui accouche sous X peut-elle prendre son enfant dans ses bras ?
Au moment de la naissance de l’enfant, la femme qui l’a porté a le droit de le voir et de le prendre dans ses bras. Elle peut aussi refuser de le voir et refuser de connaître le sexe.

Comment est nommé un enfant né sous X ?
La mère peut choisir de donner ou non un ou des prénoms à son enfant. Si elle donne trois prénoms ou plus, le dernier servira de nom de famille provisoire à l’enfant, jusqu’à son adoption où il prendra le nom de famille de ses parents adoptifs. Si elle donne moins de trois prénoms, l’officier d’État civil complétera, et le dernier prénom servira de nom de famille provisoire.
Les prénoms et nom choisis par la mère et/ou par l’officier d’État civil seront inscrits sur l’acte de naissance, sans que le nom de la mère soit mentionné et sans qu’il y ait de lien de filiation.
Quand l’enfant sera adopté, les parents adoptifs pourront faire le choix de changer ses prénoms. Les premiers prénoms figureront toujours sur la copie intégrale de l’acte de naissance, et une mention marginale indiquera les nouveaux prénoms. Les extraits d’acte de naissance ne mentionnent que les prénoms actuels.
Où vont les enfants nés sous X ?
L’enfant né sous X est remis aux services de l’ASE (Aide sociale à l’enfance). Il est provisoirement déclaré pupille de l’État, jusqu’à son adoption. Il est placé de manière provisoire dans une famille d’accueil ou dans une pouponnière (établissement d’accueil hébergeant des enfants de 0 à 3 ans).
La mère peut-elle changer d’avis après un accouchement sous X ?
La mère dispose de deux mois pour changer d’avis et reconnaître son enfant. Pendant cette période, le bébé n’est pas adoptable.
Si la mère change d’avis au-delà de ces deux mois, elle doit saisir le juge pour demander la restitution de l’enfant, mais ce n’est plus automatique : le juge doit évaluer si la mère est en mesure d’exercer ses responsabilités parentales, et si cette restitution est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant.
Une fois l’enfant adopté, aucun recours n’est plus possible. Les bébés nés sous X sont en général assez rapidement placés en vue d’adoption, et le jugement d’adoption plénière a lieu après au moins six mois de vie de l’enfant dans la famille adoptante.
Accoucher sous X : les droits du père et des grands-parents
Le père de l’enfant a deux mois après la naissance pour reconnaître son enfant, même contre la volonté de la mère. Si le père ne sait pas où et quand l’enfant est né, il peut saisir le procureur de la République pour que celui-ci effectue une recherche des informations administratives relatives à la naissance de l’enfant. Une fois l’enfant reconnu, le père pourra le récupérer et exercer ses droits parentaux.
Si le délai de deux mois après la naissance est dépassé, le père peut engager une action en recherche de paternité et un recours en restitution d’enfant devant le juge. Une fois l’enfant adopté, il n’est plus possible pour les parents biologiques de retrouver les droits parentaux.
Les grands-parents biologiques n’ont aucun lien légal avec l’enfant, du fait de l’absence de filiation légale entre les parents biologiques et l’enfant. Ils ne peuvent pas demander à élever l’enfant ni s’opposer à son adoption.
L’accouchement sous X est-il vraiment anonyme ?
La mère peut choisir d’accoucher sans indiquer son identité et sans laisser d’information identifiante. Il sera alors impossible de la contacter si l’enfant demande un jour la levée du secret sur ses origines.
La mère peut laisser ses informations de contact qui pourront permettre au CNAOP de la joindre si son enfant fait une demande de levée du secret.
Elle peut aussi laisser l’information sur son identité dans le pli fermé destiné à son enfant, auquel l’enfant aura accès quand il aura 18 ans dans tous les cas, ou bien dès « l’âge de discernement », c’est-à-dire à partir de 13 ans si on évalue que l’enfant a le discernement nécessaire, si l’enfant mineur demande la levée du secret et que la mère accepte.
Dans le cas où la mère n’aurait laissé aucune information, elle peut à tout moment changer d’avis. Elle doit alors contacter le CNAOP ou l’ASE et donner soit son identité complète, soit ses coordonnées de contact.

Est-il injuste de faire naître un enfant sous X ?
Y a-t-il vraiment des situations où il est impossible d’assumer un enfant ? Oui, il y a des circonstances où le couple, ou bien la femme seule, ne peut pas prendre en charge un enfant, où il serait impossible d’élever l’enfant dans de bonnes conditions. Les conditions matérielles peuvent être totalement insuffisantes (il faut savoir cependant qu’il existe des aides pour les femmes enceintes et les parents, pour les aider à élever leur enfant), il peut y avoir des problèmes de santé physique, d’épuisement, ou de santé psychique, qui sont insurmontables. Parfois, c’est la découverte d’un handicap de l’enfant qui décide les parents à le confier à l’adoption. Une mère seule ou un couple peuvent être conscients de leurs limites et se rendre compte qu’ils ne pourront pas s’occuper d’un enfant handicapé dans de bonnes conditions. Voir Confier son enfant handicapé à l’adoption.
Beaucoup de personnes considèrent qu’il est injuste de donner un enfant à l’adoption. Généralement, ces personnes pensent qu’il aurait été plus responsable de faire une IVG.
Qu’en est-il de l’enfant lui-même ? Les enfants adoptés ressentent souvent très douloureusement de ne pas avoir été gardés par leurs parents biologiques. Les enfants nés sous X ignorent les raisons de cette décision – qui peuvent être expliquées par la mère dans une lettre à laquelle l’enfant aura accès, s’il en fait la demande, à sa majorité, ou dès 13 ans si la mère accepte la levée du secret. Comme ils ignorent ces raisons, ils peuvent avoir tendance à attribuer leur naissance sous X à un manque d’amour envers eux, ou à un défaut de leur part qui les rend difficiles à aimer. Ces enfants souffrent aussi souvent de ne pas connaître leurs origines. Pour autant, auraient-ils préféré ne pas naître ? Quand l’accueil d’un enfant est impossible, la vraie injustice n’est pas d’accoucher sous X, mais d’éliminer le bébé, de lui refuser le droit à la vie.
La mère de l’enfant peut vouloir garder toujours l’anonymat ou non, mais il est très important pour l’enfant de savoir pourquoi il a été confié à l’adoption, et si possible d’avoir des éléments sur ses origines. Laisser une lettre explicative pour son enfant est un moyen de l’aider à accepter sa situation et à comprendre la décision de sa mère ou de ses parents biologiques. Les enfants nés sous X peuvent nourrir un ressentiment envers leurs parents biologiques : connaître les raisons de leur acte peut les aider à comprendre et à pardonner.
Être un enfant adopté n’est pas un obstacle à vivre une vie riche et belle. L’adoption permet la création d’une famille pour des parents qui ne pouvaient pas concevoir d’enfant. L’enfant adopté a souvent des liens très forts avec sa famille adoptive, même s’il peut aussi y avoir des difficultés. Permettre à son enfant de vivre, en choisissant l’accouchement sous X plutôt que l’avortement, est un cadeau immense pour cet enfant.

Voici un poème écrit pour sa mère inconnue par un homme né sous X :
Chère x,
Je ne te connais pas…
Tu es peut-être ici, ou là-bas.
Tu m’as porté et pourquoi pas aimé ?
Tu ne pouvais pas m’élever,
Mais tu ne m’as pas abandonné,
Bien au contraire tu m’as confié.
Confié… à une famille qui m’a éduqué, élevé et surtout aimé.
Cela me permet encore de rêver.
Rêver de toi,
Bien que je ne me souvienne pas,
Des neuf mois passés en toi.
Ces quelques mots, je te les écris, pour te dire merci.
Merci pour ce que tu m’as transmis.
Ce qui est au fond de moi, est sûrement aussi ancré en toi,
Et ça au moins on ne nous l’enlèvera pas…
Merci de m’avoir laissé vivre.
D’être là, je ne le dois qu’à toi,
À cette mère que je ne connais pas. »
Frédéric, tribune des lecteurs, La Croix2
Beatriz Munoz Estrada-Maurin a écrit un livre, Petit bouquet pour une maman inconnue, dédicacé « À toutes les mères qui ont dit “oui” et tout particulièrement la mienne, où que tu sois, qui que tu sois », où elle exprime sa gratitude envers la mère qui l’a portée et qui a accepté de lui donner la vie. Beatriz a vécu avec des parents adoptifs qui l’ont profondément aimée. Elle est heureuse de vivre, même si sa condition d’enfant confié n’est pas exempte de souffrances, surtout que sa mère ne lui a donné aucun élément sur ses origines et sur la raison pour laquelle elle l’a confiée à l’adoption.
Accoucher sous X, une démarche qui demande du courage
Deux aspects de l’accouchement sous X sont très éprouvants pour la femme qui prend cette décision : le regard des autres, et la séparation avec le bébé.
L’entourage de la femme qui a choisi de laisser vivre son bébé et de le confier à l’adoption s’apercevra peut-être qu’elle est enceinte. Elle risque de recevoir des félicitations pour sa grossesse. Les gens à qui elle aura dit sa décision d’accoucher sous X risquent de la juger, parfois sévèrement, y compris parfois le personnel de la maternité. Pourtant, faire le choix de garder un enfant et d’accoucher sous X pour ne pas avorter est un acte qui mérite plutôt de l’admiration !
Ensuite, la séparation avec le bébé à la naissance peut être très éprouvante pour la mère biologique. Porter un bébé pendant 9 mois provoque la plupart du temps un grand attachement. Alors cette séparation peut être vécue comme un déchirement.

Sous ces aspects, l’avortement est un acte plus facile : personne n’est obligé d’être au courant, et même ceux qui sont au courant trouvent souvent, étonnamment, qu’il est préférable pour l’enfant de mourir avant sa naissance que d’être adopté. L’avortement a lieu généralement après quelques semaines de grossesse, la mère a moins eu le temps de s’attacher à l’enfant. Pourtant l’avortement peut laisser pour la mère des séquelles beaucoup plus graves que le fait de confier son enfant pour adoption, car l’enfant avorté a été tué, et non confié à une autre famille. Voir Les risques de l’avortement pour la santé de la femme et Quelles sont les conséquences de l’avortement ?
Un accompagnement psychologique et social est proposé par l’ASE (Aide sociale à l’enfance) aux femmes choisissant l’accouchement sous X, dès la grossesse.
Comment vivre après un accouchement sous X ?
Après avoir porté son enfant pendant neuf mois, la femme qui accouche sous X reste quelque jours toute seule à la maternité et rentre chez elle toute seule. Elle vit ensuite en sachant que son enfant est en train de grandir et d’être élevé par d’autres personnes, qu’il souffre de cette séparation et que peut-être il lui en veut beaucoup de l’avoir laissé.
Le sentiment de culpabilité après un accouchement sous X
La maman qui a confié son bébé peut ressentir un grand sentiment de culpabilité. Pourtant, elle a accompli un acte extraordinaire en acceptant de porter son enfant plutôt que de l’éliminer, et elle a donné un grand bonheur à un couple désirant adopter un enfant. Si l’enfant confié est handicapé, il peut être plus difficile de trouver une famille adoptive, mais il y a des couples aimants qui veulent adopter des enfants handicapés. Même si un enfant handicapé ne trouve pas de famille adoptive, sa mère lui a quand même fait un magnifique cadeau avec le don de la vie, malgré les pressions qu’elle a sans doute reçues pour faire une « IMG », un avortement tardif d’enfant handicapé.
La plupart du temps, quand une femme décide de se séparer de l’enfant qu’elle porte, ce n’est pas sans une raison très importante. S’il est impossible pour elle de prendre en charge cet enfant, que ce soit pour des raisons matérielles, de santé physique ou psychique, elle n’a pas à s’en vouloir de lui donner l’occasion de vivre dans une famille qui pourra l’accueillir dans de bonnes conditions. Certaines mamans peuvent se dire qu’après tout elles auraient pu assumer l’enfant, et s’en vouloir de ne pas l’avoir gardé. Certaines femmes décident d’accoucher sous X sous la pression de l’entourage qui ne veut pas qu’elle garde l’enfant. La maman peut alors se sentir coupable de ne pas avoir résisté à la pression. Quelle que soit la cause de ce sentiment de culpabilité, la mère qui a confié son enfant doit cheminer pour mieux comprendre ce qui s’est passé, et pour se pardonner à elle-même, même si elle n’est en réalité pas coupable.

Le manque
Le manque de l’enfant dont elle a été séparée peut être aussi très difficile à porter pour la maman qui a confié son enfant. Savoir qu’il vit quelque part et savoir qu’elle ne le rencontrera peut-être jamais. Après avoir confié son bébé à la naissance, la femme qui a accouché sous X doit vivre un véritable deuil. Elle ne ressentira peut-être pas tout de suite toute la souffrance de ce deuil, cette souffrance peut aussi se réveiller après plusieurs années.
En parler
Pour pouvoir mieux vivre après un accouchement sous X, il est important de ne pas garder un secret total. Cet événement n’est pas un secret honteux, donner la vie à un enfant est un acte noble, se séparer de lui parce qu’on ne voit pas d’autre solution est une souffrance dont il ne faut pas avoir honte. Certaines femmes gardent le secret même vis-à-vis du conjoint qu’elles rencontrent par la suite. Ne pas en parler à son conjoint peut rendre le secret très lourd et douloureux à porter.
Il est important de trouver des personnes à qui en parler. Si la maman n’a pas d’amis ou de membres de sa famille à qui elle puisse se confier, il existe des lignes d’écoute confidentielles et gratuites. Voir la liste des lignes d’écoute pour les femmes enceintes, qui peuvent aussi être appelées par des personnes ayant confié leur enfant à l’adoption.
Se faire accompagner
Il est important pour une femme ou pour un couple ayant confié leur enfant à l’adoption, et qui en souffrent, de se faire accompagner psychologiquement. La femme peut bénéficier d’un accompagnement psychologique gratuit en s’adressant à l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) de son département, ou à la PMI (Protection Maternelle Infantile).

Se tourner vers Dieu
Quand on porte une souffrance trop profonde, quand on ne sait plus comment vivre, Dieu peut agir dans notre vie.
Les parents biologiques d’un enfant confié à l’adoption peuvent prier pour lui, pour que Dieu agisse dans sa vie, lui fasse du bien, le console.
Dieu nous regarde chacun avec amour, il ne nous méprise jamais. Il sait tout de nous et il connaît les raisons de chacun de nos actes. Quand nous souffrons, nous pouvons demander à Jésus Christ, qui est Dieu, de nous rejoindre dans notre souffrance. Jésus a souffert par avance pour être en communion avec chacune des personnes qui souffrent aujourd’hui. Si nous lui demandons d’être avec nous, nous vivrons nos souffrances différemment, elles seront moins lourdes à porter, au moins par moments.
Prier, cela peut être tout simplement parler à Dieu, lui demander de faire du bien à la personne qu’on lui confie, de nous aider nous-mêmes. Pas besoin de mots compliqués. La prière peut aussi prendre la forme du chapelet, une prière méditative qui s’adresse à la Vierge Marie et à Jésus son fils.
L’Église catholique a beaucoup de propositions pour aider les personnes à se tourner vers Dieu, à commencer par la messe. Il est possible de rencontrer un prêtre dans la paroisse la plus proche pour en parler.
Conclusion
Il n’est pas facile pour un enfant d’être séparé de ses parents biologiques. Le moment même de la séparation est un traumatisme pour le bébé qui gardera cela marqué au fond de lui, même s’il ne s’en souviendra pas. Pour autant, les enfants adoptés peuvent avoir une très belle vie, et de très beaux liens avec leurs parents adoptifs et éventuels frères et sœurs adoptifs. Il porteront peut-être toujours la souffrance de cette séparation, mais cela ne veut pas dire qu’ils regrettent d’être vivants !
Choisir de porter un enfant et de le confier à l’adoption, plutôt que d’avorter, est un acte très courageux et généreux. C’est aussi une grande épreuve pour la mère qui fait ce choix, ainsi que pour le père biologique, si c’est une décision de couple. Il est bon de se faire aider pour traverser cette épreuve.
Notes
1 En cas de difficultés matérielles, il faut savoir qu’il existe des aides pour les femmes enceintes et pour les parents, pour les aider à élever leur enfant.