Olivia Maurel, née de mère porteuse : « Nous croyons en l’abolition de la GPA »
Dans la matinée du 4 avril 2024, la Française Olivia Maurel, qui est née d’une gestation pour autrui (GPA) et milite aujourd’hui pour l’interdiction de cette pratique, a été reçue avec une délégation par le pape François au Vatican. Depuis Rome, la porte-parole – qui se dit « athée et féministe » – de la Déclaration de Casablanca revient sur cette rencontre.
Vous avez pu échanger ce matin avec le pape François, qui vous a reçus dans son bureau au Vatican. Que vous a-t-il dit ?
Nous avons discuté de la déclaration de Casablanca, de mon histoire personnelle. Il a rappelé à plusieurs reprises que la gestation pour autrui était un marché et qu’il nous soutenait dans notre démarche pour son abolition universelle. On voyait que le sujet lui tenait à cœur. Il a aussi souligné quelque chose qui m’a marqué venant d’un chef d’État comme lui : quand une femme est enceinte d’un enfant, l’enfant donne des cellules à la mère, qui garde des traces de cet enfant dans son corps pendant longtemps – près de 30 ans en réalité. Il a voulu rappeler ce lien scientifique entre la femme et l’enfant.
Comment êtes-vous entrée en contact avec le pape François ?
Je lui avais envoyé une lettre le 11 décembre dernier, dans laquelle je lui racontais mon histoire. Je lui expliquais aussi que je suis athée. Je lui disais avoir été choquée par l’entretien accordé par Radio Cope, qui est pourtant la radio des évêques espagnols, à l’actrice Ana Obregon. Cette femme de 68 ans est partie acheter un enfant en Floride ! Elle a pour cela utilisé le sperme de son fils, décédé auparavant, avec un don d’ovocyte d’une autre femme. Ce qui fait qu’elle est mère, mais à la fois grand-mère de l’enfant. Tout le monde avait été choqué, parce qu’on s’attendait qu’une telle radio promeuve la voix de l’Église, qui est contre la gestation pour autrui. Pour ne rien vous cacher, quand j’ai envoyé ma lettre au pape, j’avais en tête de le rencontrer. Je m’étais promis d’aller à la messe une fois par semaine si cela arrivait !
Comment jugez-vous l’action du Saint-Siège sur la question de la GPA ?
Je pense que le pape a répondu indirectement à ma lettre dans son discours au corps diplomatique [NDLR, dans son discours du 8 janvier, le pape avait clairement condamné « la pratique de ladite mère porteuse, qui lèse gravement la dignité de la femme et de l’enfant », la décrivant comme « fondée sur l’exploitation d’une situation de nécessité matérielle de la mère » et avait demandé son interdiction au niveau international]. En tant qu’athée, je suis venue ici rencontrer un chef d’État, pas un chef religieux. Le Vatican, en tant qu’État, peut aujourd’hui être à l’initiative pour l’interdiction de la GPA, en rassemblant les autres États pour commencer à parler d’une convention internationale.
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Sentez-vous que ce combat rencontre aujourd’hui un intérêt au sein de la communauté internationale ?
Oui, clairement. Nous pensons qu’il est déjà possible de rassembler tous les États qui interdisent aujourd’hui la GPA. C’est tout l’objet de notre démarche, de la déclaration de Casablanca. Nous avons pu, sur invitation du Saint-Siège, nous exprimer aux Nations unies le 20 mars dernier devant une salle comble. Lors de notre rencontre avec le cardinal Parolin, ce dernier a insisté sur la capacité qu’a le Saint-Siège à promouvoir des traités, par exemple contre l’arme nucléaire etc. Il nous a mis en contact avec Mgr Miroslav Wachowski, sous-secrétaire en charge des relations avec les États et les organisations internationales, pour que puissions avancer dans ce sens-là.
Quels sont vos objectifs désormais ?
Le marché de la GPA pesait plus de 14 milliards d’euros en 2022, et il est estimé à 130 milliards pour 2032. Notre idée est de trouver une solution pour mettre fin à ce marché global. Il faut donc une réponse globale, qui ne peut passer que par un traité international.
Ne craignez-vous pas que les enjeux économiques très importants poussent à la légalisation ?
On l’a fait avec l’esclavagisme ! Je pense que c’est très faisable avec la GPA. J’ai tendance à comparer ces deux phénomènes, et je constate qu’avant d’abolir l’esclavagisme, cela a pris des années. Mais à la fin on l’a aboli. C’est parce qu’il n’y a pas de barrière que ce marché progresse aujourd’hui. Nous croyons en l’abolition de la GPA. Mais cela peut prendre du temps en effet. Le cardinal Parolin a insisté sur l’importance de lancer des processus. Peut-être que nous ne connaîtrons pas l’abolition de la GPA – nous espérons que oui – mais nous croyons que cela finira par arriver.
Votre histoire personnelle a le mérite de partir de l’expérience de l’enfant. Pourquoi ne souhaitez-vous pas que d’autres vivent ce que vous-même avez vécu ?
Je ne trouve pas juste d’infliger cela à un enfant. Mon expérience personnelle, douloureuse, ne sera pas celle de tous les enfants. Évidemment il y a de belles histoires : on les entend à la télévision, on les voit un peu partout sur les réseaux sociaux. Le souci, c’est qu’il y a beaucoup d’enfants aujourd’hui qui ne peuvent pas et ne vont pas parler parce qu’il y a une pression énorme. D’abord de la part de nos familles, mais aussi de la part du lobby pro-GPA qui veut mettre une pression sur ces personnes. Je reçois des insultes tous les jours.
En tant que mère de trois enfants, je pense que le lien mère-enfant est sacré. On ne naît pas pour être abandonné, c’est quelque chose de tragique. On peut essayer de le redorer avec toutes les belles histoires qu’on veut. Cela reste traumatisant pour un enfant : la crise liée à l’identité que cela génère est une réelle difficulté pour un enfant. Et je rappelle que le droit à être élevé par ses parents est un droit reconnu sur le plan international.
Famille chrétienne le 5/04/2024
Pour compléter, voici une interview de 15 minutes d’Olivia Maurel :