Le pape François et la défense de la vie

Le pape François

Le 21 avril 2025, le pape François, 266e pape de l’Église catholique, est décédé à l’âge de 88 ans, après 12 ans de pontificat.

Né Jorge Mario Bergoglio, il avait pris « François » comme nom de pape en référence à saint François d’Assise, du fait de sa grande préoccupation envers les plus pauvres, et de son amour de la simplicité.

Pour le pape François, les plus pauvres à protéger sont en particulier les enfants à naître, les malades, les personnes âgées et les personnes handicapées. Tout au long de son pontificat, il s’est exprimé d’une manière très claire sur ces sujets.

« Toute vie humaine a une valeur inestimable »

Le combat de François pour la vie était un combat pour tous les êtres humains à tous les stades de leur vie. Pour les 25 ans de l’Encyclique Evangelium Vitæ de saint Jean-Paul II, le pape François rappelait que les vies à défendre étaient celles de : « un enfant nouvellement conçu, un pauvre paria, une personne malade seule et découragée ou en phase terminale, une personne qui a perdu son emploi ou qui n’en trouve pas, un migrant rejeté ou ghettoïsé1… »

À l’occasion de la 43e Journée pour la vie, il expliquait : « La Journée pour la vie met en lumière tous les ans la valeur première de la vie humaine et le devoir absolu de la défendre, à partir de sa conception jusqu’à sa fin naturelle. Prendre soin de la vie exige qu’on le fasse pendant toute la vie et jusqu’à la fin. Cela exige aussi qu’on fasse attention aux conditions de vie : la santé, l’éducation, les possibilités de travail, tout ce qui permet à une personne de vivre de manière digne. »

Un sans abri dort sur un banc : défendre la dignité de la vie

C’est donc au nom de la défense de toute vie et de la défense de la dignité de la vie que le pape François s’opposait à toute guerre et militait pour un accueil des migrants dans les pays développés.

Il affirmait aussi : « Une défense de la vie qui se limite seulement à certains aspects ou moments et qui ne prend pas intégralement en compte toutes les dimensions existentielles, sociales et culturelles, risque d’être inefficace et l’on peut tomber dans la tentation d’une approche idéologique, où l’on défend davantage des principes abstraits que des personnes concrètes2. » C’est donc aussi pour l’efficacité de la défense de la vie dans les moments où elle est le plus vulnérable : conception et fin de vie, qu’il faut veiller à la dignité de la vie des personnes tout au long de leur vie. La défense de la vie est indissociable de la défense des pauvres.

On peut mentionner aussi la déclaration Dignitas Infinita, du Dicastère pour la doctrine de la foi, approuvée par le pape le 25 mars 2024, qui dénonce très fermement les « violations graves de la dignité humaine » que sont la pauvreté, la guerre, les souffrances des migrants, la traite des personnes, les abus sexuels, les violences contre les femmes, l’avortement, la gestation pour autrui, l’euthanasie et le suicide assisté, la mise au rebut des personnes handicapées, la théorie du genre, le changement de sexe et la violence numérique.
Notons que le fait de citer toutes ces formes de violence et de souffrance dans un même document, sans en hiérarchiser la gravité, est en rupture avec l’approche des papes précédents.

Le pape François et l’avortement

Dans la lettre apostolique Misericordia et misera, écrite en 2016 à l’occasion du jubilé de la miséricorde, le pape François affirmait :

« Je voudrais redire de toutes mes forces que l’avortement est un péché grave, parce qu’il met fin à une vie innocente. Cependant, je peux et je dois affirmer avec la même force qu’il n’existe aucun péché que ne puisse rejoindre et détruire la miséricorde de Dieu quand elle trouve un cœur contrit qui demande à être réconcilié avec le Père. »

Cette affirmation comporte les deux éléments fondamentaux de la doctrine catholique sur l’IVG : l’avortement consiste à tuer injustement une personne innocente ayant droit à la vie ; le péché d’avortement n’est pas plus grand que la miséricorde de Dieu et peut être pardonné si la personne qui l’a commis regrette son acte.

Une femme confesse son avortement et reçoit l'absolution

À l’occasion de ce même jubilé de la miséricorde, le pape François a facilité l’obtention de l’absolution pour les femmes ayant avorté et toute personne ayant provoqué un avortement et se repentant. L’avortement, quand il est commis librement par une personne catholique consciente de la gravité de cet acte, entraîne une excommunication de la femme ayant avorté, du père ayant voulu l’avortement et du médecin l’ayant effectué. Jusqu’à cette décision du pape François, seuls les évêques et les prêtres à qui les évêques déléguaient ce pouvoir pouvaient absoudre le péché d’avortement lors d’une confession. Le pape François en a donné la faculté à tous les prêtres pendant le jubilé de la miséricorde, et à la fin du jubilé il a annoncé que cette mesure perdurerait.

Dans sa célèbre encyclique sur l’écologie Laudato si, François affirmait que la défense de la nature n’était pas compatible avec l’IVG :

« Puisque tout est lié, la défense de la nature n’est pas compatible non plus avec la justification de l’avortement. Un chemin éducatif pour accueillir les personnes faibles de notre entourage, qui parfois dérangent et sont inopportunes, ne semble pas praticable si l’on ne protège pas l’embryon humain, même si sa venue cause de la gêne et des difficultés : ‘‘Si la sensibilité personnelle et sociale à l’accueil d’une nouvelle vie se perd, alors d’autres formes d’accueil utiles à la vie sociale se dessèchent3’’. »

Parmi ses nombreuses déclarations contre l’avortement, le pape François a affirmé le 9 janvier 2025 au corps diplomatique accrédité près le Saint Siège, à l’occasion des vœux de nouvelle année :

« Il est inacceptable, par exemple, de parler d’un soi-disant “droit à l’avortement” qui contredit les droits de l’homme, en particulier le droit à la vie. Toute vie doit être protégée, à tout moment, de la conception à la mort naturelle, car aucun enfant n’est une erreur ou coupable d’exister. »

Le pape argentin a aussi, à plusieurs reprises, utilisé une métaphore surprenante sur les personnes pratiquant l’avortement : il a comparé le fait d’avorter avec le fait de faire appel à un tueur à gages pour éliminer une personne qui nous gêne :

« Interrompre une grossesse, c’est comme éliminer quelqu’un. Est-il juste d’éliminer une vie humaine pour résoudre un problème ? Est-il juste d’avoir recours à un tueur à gages pour résoudre un problème ? Se débarrasser d’un être humain, c’est comme avoir recours à un tueur à gages pour résoudre un problème (…) Mais comment un acte qui supprime la vie innocente peut-il être thérapeutique, civil ou tout simplement humain4 ? »

« Un avortement est un homicide, les médecins qui font cela sont, si vous me permettez l’expression, des tueurs à gages5. »

Cette métaphore peut paraître injuste, car un tueur à gage est pleinement conscient de tuer un être humain, et il le fait pour de l’argent. Ce n’est pas le cas de la plupart des médecins qui pratiquent l’avortement, et beaucoup de parents demandant l’avortement n’ont pas conscience non plus de supprimer une vie humaine. À travers cette métaphore dérangeante, le pape François souhaitait nous aider à prendre conscience de la gravité de l’avortement, geste banalisé aujourd’hui, qui consiste cependant bien à tuer un être humain.

Handicap et avortement

Lorsqu’il a reçu les participants aux congrès international « Yes to life! Prendre soin du don précieux de la vie dans la fragilité », en mai 2019, le pape François a exprimé sa compréhension de la souffrance des familles qui apprennent le handicap d’un enfant :

« Le sentiment de solitude, d’impuissance, et la peur de la souffrance de l’enfant et de la famille entière émergent comme un cri silencieux, un appel à l’aide dans l’obscurité d’une maladie, dont personne ne sait prédire l’issue certaine. »

Mais il a rappelé clairement que « La vie humaine est sacrée et inviolable et l’utilisation du diagnostic prénatal à des fins sélectives doit être dissuadé avec force, car il est l’expression d’une mentalité eugénique inhumaine, qui retire aux familles la possibilité d’accueillir, d’embrasser et d’aimer leurs enfants plus faibles. » et que « Chaque enfant qui s’annonce dans le sein d’une femme est un don et cet enfant a besoin d’être accueilli, aimé et soigné. Toujours ! »

Au sujet de l’IMG (interruption « médicale » de grossesse), le pape argentin n’hésitait pas à prendre des images qui pouvaient choquer : « Au siècle dernier, le monde entier a été scandalisé par ce que les nazis ont fait pour traiter la pureté de la race. Aujourd’hui, nous faisons la même chose, mais avec des gants blancs6. » Là encore, ses propos semblent mettre de côté la détresse et les pressions subies par les parents et éventuellement par le personnel soignant et ont sans doute pour but une prise de conscience de la gravité de l’acte en question.

Le pape François, l’euthanasie et le suicide assisté

Le pape François était tout aussi clairement opposé à l’euthanasie et au suicide assisté qu’à l’avortement. Il était aussi opposé à l’acharnement thérapeutique, et encourageait le développement des soins palliatifs. Il a exprimé ces positions à de nombreuses reprises.

Dans son message aux participants du symposium « Vers un récit d’espérance : un symposium international interconfessionnel sur les soins palliatifs », le 26 avril 2024, il déclarait :

« Je voudrais souligner ici que les soins palliatifs authentiques sont radicalement différents de l’euthanasie qui n’est jamais une source d’espérance ni une authentique préoccupation pour les malades et les mourants. Il s’agit plutôt d’un échec de l’amour, reflet d’une “culture du rejet” dans laquelle ‘‘les personnes ne sont plus perçues comme une valeur fondamentale à respecter et à protéger’’ (Fratelli tutti, n. 18). En effet, l’euthanasie est souvent présentée à tort comme une forme de compassion. Pourtant, la “compassion”, un mot qui signifie “souffrir avec”, n’implique pas la fin intentionnelle d’une vie mais plutôt la volonté de partager les fardeaux de ceux qui sont confrontés aux dernières étapes de leur pèlerinage terrestre. Les soins palliatifs sont donc une véritable forme de compassion car ils répondent à la souffrance, qu’elle soit physique, émotionnelle, psychologique ou spirituelle, en affirmant la dignité fondamentale et inviolable de toute personne, en particulier des mourants, et en les aidant à accepter le moment inévitable du passage de cette vie à la vie éternelle. »

Lors de l’audience générale du 9 février 2022, il rappelait :

« Il faut se garder de confondre [les soins palliatifs] avec des dérives inacceptables vers l’euthanasie. Nous devons accompagner les personnes jusqu’à la mort, mais ne pas la provoquer ni favoriser le suicide assisté. (…) La vie est un droit, non la mort, celle-ci doit être accueillie, non administrée. Et ce principe éthique concerne tout le monde, pas seulement les chrétiens ou les croyants. »

Le 30 novembre 2024, il s’est adressé à une délégation d’élus français du sud de la France, dans un contexte de débats sur la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté :

« J’ose espérer que, aussi avec votre contribution, le débat sur la question essentielle de la fin de vie puisse se faire en vérité. Il s’agit d’accompagner la vie jusqu’à sa fin naturelle par un développement plus ample des soins palliatifs. Les personnes en fin de vie, vous le savez, ont besoin d’être accompagnées par des soignants fidèles à leur vocation, laquelle est de procurer des soins et du soulagement faute de ne pouvoir toujours guérir. Les mots ne sont pas toujours utiles, mais prendre un malade par la main, prendre par la main, cela fait beaucoup de bien, pas seulement au malade, mais à nous aussi. »

Un homme tient la main d'une personne âgée malade en soins palliatifs

Il s’est aussi opposé à plusieurs reprises à l’acharnement thérapeutique, notamment dans un message de 2017 sur la fin de vie :

« Ne pas activer des moyens disproportionnés, ou suspendre leur utilisation, équivaut à éviter l’acharnement thérapeutique, c’est-à-dire à réaliser une action qui a une signification éthique complètement différente de l’euthanasie. (…) L’interruption d’actes médicaux onéreux, dangereux, extraordinaires ou disproportionnés par rapport aux résultats attendus peut être légitime. Dans ce cas, il y a renonciation à l’acharnement thérapeutique7 ».

Conclusion

Le pape François est donc resté dans la ligne de l’enseignement traditionnel de l’Église catholique dans sa dénonciation de l’avortement, de l’euthanasie et du suicide assisté, tout en rappelant que la miséricorde de Dieu n’a pas de limite. Il est revenu à de nombreuses reprises sur ces sujets, avec son style propre. Qu’il s’agisse de l’avortement ou de la fin de vie, il a aussi incité les soignants à l’objection de conscience pour ne pas être complices des atteintes à la vie.

Notes

1 Audience générale du pape François du 25 mars 2020.

2 Rencontre « Bien commun : théorie et pratique », organisée par l’Académie pontificale pour la vie le 14 novembre 2024 au Vatican.

3 Encyclique Laudato si, 24 mai 2015.

4 Audience place Saint-Pierre, le mercredi 10 octobre 2018.

5 Déclaration dans l’avion au retour d’un voyage en Belgique en septembre 2024.

6 Déclaration du pape François à une délégation du Forum des associations familiales, le 14 juin 2018.

7 Voir Vatican News.

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