Cinq ans depuis le référendum sur l’avortement en Irlande
Déclaration des évêques catholiques d’Irlande
I. Cinq ans depuis le référendum sur l’avortement
Suite au référendum sur l’avortement en mai 2018, nous avions dit : « une situation nouvelle existe désormais en Irlande. Il est essentiel pour nous, en tant qu’Église qui se soucie passionnément du don de la vie et qui veut soutenir à la fois les mères et leurs enfants à naître, de chercher de meilleures façons de répondre à cette nouvelle réalité très difficile ». L’attention que l’Église porte aux mères et à leurs bébés fait partie de la mission de toute l’Église et doit être vécue dans notre vie quotidienne, privée et professionnelle. Aujourd’hui, nous réaffirmons notre conviction que la dignité innée de toute vie humaine, de la conception à la mort naturelle, est une valeur pour l’ensemble de la société, enracinée dans la raison autant que dans la foi. Quelle que soit la législation adoptée dans un pays, le droit fondamental à la vie de tous les êtres humains à chaque stade de développement prévaut toujours.
II. Une revue de quoi ?
En décembre 2021, le gouvernement irlandais a annoncé une consultation publique dans le cadre du processus d’examen du fonctionnement de la loi. Il ne s’agissait pas d’un examen de la Loi en soi, mais seulement d’un examen de son fonctionnement. L’objectif déclaré était d’établir si la loi était efficace dans ce qu’elle visait à faire, à savoir mettre fin à la vie des bébés à naître.
III. Nombre d’avortements
Au cours de la période de trois ans couverte par l’examen (2019-2021), près de 18 000 grossesses ont été interrompues en Irlande. Au cours de la même période, il y a eu 175 000 naissances vivantes en Irlande. Pour dix enfants nés vivants, un a été avorté. Le nombre d’avortements en 2022 a atteint 8 500, soit une augmentation de 25 %. En revanche, le nombre d’avortements en Angleterre et au Pays de Galles, impliquant des femmes vivant en Irlande, a diminué régulièrement au cours des vingt dernières années.
IV. Pourquoi tant de femmes ont-elles cherché à avorter ?
Quatre-vingt-dix-huit pour cent de tous les avortements pratiqués à ce jour en vertu de la loi ont eu lieu en début de grossesse (au cours des douze premières semaines). La loi n’exige pas qu’une raison quelconque soit donnée pour un avortement au cours des douze premières semaines de grossesse. L’État ne demande pas pourquoi tant de femmes ont demandé l’avortement. Pour la revue, c’est comme si les femmes n’existaient pas ; leur situation n’est pas discutée. Les mécanismes du régime d’avortement irlandais ont été passés en revue, mais l’expérience humaine de la perte et de la solitude reste largement masquée de l’examen public.
V. Dix pages de recommandations
La revue pratiquée par le gouvernement comprend dix pages de recommandations pour des modifications de la loi ou de la réglementation relative à l’avortement, qui visent clairement à rendre la loi plus efficace en matière de suppression de la vie humaine. Nous souhaitons nous référer spécifiquement à quatre d’entre eux :
A. La période d’attente obligatoire de trois jours
La loi de 2018 prévoit l’avortement sans indication de motif, dans les douze premières semaines de grossesse. Afin de s’assurer que la femme dispose d’au moins un court laps de temps pour envisager une décision aussi importante, la loi exige qu’il y ait une pause de trois jours entre la première consultation médicale et l’exécution de l’avortement. La preuve est que plus d’un quart des femmes ne sont pas revenues pour procéder à l’avortement. L’examen recommande maintenant que la pause de trois jours devienne purement facultative. Nous nous opposons fermement à cette recommandation qui affaiblirait la protection tant pour les femmes que pour les bébés. Nous appelons plutôt le gouvernement à être incitatif en proposant des alternatives à l’avortement, qui soutiendraient à la fois les femmes et protégeraient les bébés. Nous n’acceptons pas non plus la recommandation selon laquelle la période de douze semaines pendant laquelle un avortement précoce peut avoir lieu sans qu’aucune raison ne soit donnée soit prolongée dans certaines circonstances.
B. La liberté de conscience
Près de 90 % des médecins généralistes ne participent pas à la fourniture d’avortements précoces. On ne sait pas exactement combien d’entre eux ont pris cette décision pour des raisons de conscience. Il est presque certainement beaucoup plus élevé que les 26 % suggérés dans l’examen. Le HSE (The Health and Safety Executive, sorte d’inspection du travail pour les soignants) identifie l’objection de conscience comme un facteur majeur dans le refus des consultants hospitaliers de pratiquer l’avortement.
Tout au long de l’examen, l’« interruption de grossesse » est qualifiée de « soins de santé ». C’est un abus de langage. Comme nous l’avons déjà souligné, aucun lien avec la santé de la mère ou de l’enfant n’est invoqué comme raison de la grande majorité des avortements en Irlande. Pourtant, la Revue recommande désormais que la fourniture de l’avortement figure comme une exigence obligatoire (pour les soignants) dans les spécifications d’emploi et dans les contrats de travail. Le non-respect entraînerait la cessation d’emploi. Ceci, très franchement, est une proposition choquante. La liberté de conscience est un droit de l’homme fondamental et ne peut pas simplement être bafouée de cette manière. Nous rejetons totalement la suggestion selon laquelle les soignants qui respectent le droit à la vie seraient exclues de la pratique en soins de maternité, ou de l’obstétrique et de la gynécologie en général.
C. Législation relative à la fourniture de « zones d’accès sécurisées »
L’examen recommande qu’une législation soit introduite pour prévoir des « zones d’accès sûres », afin d’empêcher toute présence qui « serait raisonnablement considérée comme ayant pour effet d’influencer la décision d’une personne d’avoir une interruption de grossesse ou de fournir le service » à proximité de tout centre pratiquant l’avortement. Limiter le droit de réunion pacifique n’est pas l’action d’un État qui prétend se présenter comme ayant des valeurs libérales-démocratiques. Nous croyons que ceux qui s’opposent en conscience à l’avortement en tant que crime contre l’humanité doivent être libres d’exprimer leurs préoccupations de manière respectueuse et non violente dans l’espace public.
D. Décriminalisation de l’avortement
La loi (article 23) réglemente les circonstances dans lesquelles l’interruption de grossesse n’est pas une infraction pénale. Dans toutes les autres circonstances, l’avortement reste un crime. L’examen recommande que les médecins praticiens soient retirés du champ d’application de l’article 23. En d’autres termes, si des médecins pratiquent des avortements en violation de la loi, ils ne seraient pas coupables d’un crime. Nous rejetons cette recommandation au motif que personne ne devrait être au-dessus des lois lorsqu’il s’agit de protéger la vie humaine.
VI. Que peuvent faire les croyants ?
Cinq ans après le Référendum, il est temps de réfléchir à ce que nous pouvons encore faire pour soutenir les femmes et restaurer la reconnaissance du droit à la vie des enfants à naître. Voici quelques possibilités :
A. Soyez sûr de partager vos valeurs pro-vie
Valoriser le droit à la vie de chaque être humain est une position véritablement compatissante. Dans nos propres foyers et lieux de travail, et parmi nos amis, nous devons avoir la confiance nécessaire pour parler honnêtement et respectueusement de la dignité de chaque vie humaine.
B. Être présent aux femmes faisant face à une grossesse non désirée
Nos commentaires ou réactions occasionnels peuvent soutenir et être encourageants, ou négatifs et dédaigneux, lorsqu’un membre de la famille, une amie ou une petite amie nous dit qu’elle est enceinte. Au fil des ans, de nombreuses mères en crise se sont senties soutenues – parfois à la toute dernière minute – par une offre pertinente d’aide pratique pour sortir de leur difficulté, autrement qu’en mettant fin à la vie de leur bébé à naître. Renseignez-vous sur les groupes de soutien pro-vie pour les femmes en situation de grossesse non désirée ; pour les parents d’enfants gravement malades ; et ceux qui apportent un soutien spirituel aux personnes après un avortement.
C. Inscrivez-vous à la neuvaine « Priez pour la vie »
Rejoignez des personnes à travers l’Irlande et le Royaume-Uni lors de la neuvaine annuelle en ligne « Priez pour la vie », qui commence le 23 mai et se termine le 31 mai, la fête de la Visitation. Veuillez vous inscrire à la neuvaine sur www.prayforlife.ie
Nous restons convaincus que la loi de 2018 sur la santé (réglementation de l’interruption de grossesse) sera abrogée en temps voulu. Nous saluons le fait qu’un certain nombre de membres de l’Oireachtas (Parlement irlandais) aient déclaré qu’ils ne souhaitaient pas voir une libéralisation de la loi actuelle. Nous continuerons cependant à encourager une plus grande acceptation politique du fait que l’avortement n’est pas la solution à une grossesse non désirée.
L’Evangile de la Vie ne sera pas réduit au silence. Cinq ans plus tard, nous continuerons à défendre l’idée que « les deux vies comptent ». Nous continuerons à rechercher une protection aimante et solidaire pour chaque mère en détresse et pour chaque enfant dans l’utérus, y compris ceux diagnostiqués avec un handicap ou une maladie mortelle à court terme.
Nous le faisons parce que nous croyons que toute vie humaine est sacrée et que l’Irlande et le reste du monde finiront un jour par accepter cette vérité. En attendant, nous continuons à faire de notre mieux pour changer les choses par le dialogue et en témoignant, à temps et à contretemps, de l’Évangile de la vie.
dimanche 14 mai 2023