La lettre Samaritanus Bonus, texte ecclésial de référence sur la fin de vie
LETTRE D’INFORMATION DU RÉSEAU VIE – NOVEMBRE 2023
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Plan :
D. L’auteur : le Dicastère pour la Doctrine de la Foi
F. Choix de rédaction de l’article
I. le soin à l’école du Bon Samaritain : contempler le malade
A. La vie au-delà de la guérison
B. Contempler la vie comme un prodige unique et inaliénable
II. Jésus en croix : contempler Celui qui porte nos souffrances et nos maladies
III. Contempler la vie humaine comme don sacré et inviolable
IV. Obscurcir la valeur de la vie : les obstacles culturels
Introduction
A.Un texte unique
Dans le vaste corpus du magistère de l’Église catholique sur la vie humaine (voir notre lettre de novembre 2023), il manquait un texte de référence sur la fin de vie.
D’une part, la déclaration Iura et Bona (Le droit et les valeurs) de 1980 « sur l’euthanasie et sur l’observation d’un usage thérapeutique droit et proportionné des médicaments analgésiques » donne des consignes claires, tant pour les soignants que pour les patients.
Mais Iura et Bona est un document synthétique de seulement quelques pages, qui ne prétend pas donner une vision d’ensemble sur la fin de vie.
D’autre part, la fin de vie apparaît dans d’autres textes magistériels mais en quelques lignes, au milieu d’autres considérations sur la vie humaine en général.
Sortie en 2020, la Lettre Samaritanus Bonus, du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, est le premier texte exprimant la vision intégrale du magistère de l’Église sur la fin de vie, comme le dit son objet : « le soin des personnes en phases critiques et terminales de la vie ».
B.Les objectifs du texte
Le texte énonce lui-même les buts poursuivis :
« ‒ réaffirmer le message de l’Évangile et ses expressions comme fondements doctrinaux proposés par le Magistère, en rappelant la mission de ceux qui sont en contact avec les malades dans les phases critiques et terminales ainsi que [la mission] des malades eux-mêmes ;
‒ fournir des orientations pastorales précises et concrètes pour qu’au niveau local ces situations complexes puissent être affrontées et gérées afin de favoriser la rencontre personnelle du patient avec l’Amour miséricordieux de Dieu. »
C.Le document écrit
Le Dicastère nous propose un texte qui peut se lire en moins d’une heure, mais dont le sérieux et les références nécessitent une étude plus longue pour se l’approprier.
Notons qu’il comporte pas moins de 99 notes, soit 20 % de l’ensemble de l’écrit. Si le texte entier s’appuient sur le magistère antérieur, les références présentent dans les notes le prouvent sans ambiguïté.
D. L’auteur : le Dicastère pour la Doctrine de la Foi
Le texte émane du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, nouveau nom de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi depuis 2022.
Les dicastères sont les plus hautes instances du Vatican. Parmi les dicastères, le Dicastère pour la Doctrine de la Foi a un rôle précis :
« La tâche du Dicastère pour la Doctrine de la Foi est d’aider le Pontife romain et les évêques dans l’annonce de l’Évangile dans le monde entier, en promouvant et en sauvegardant l’intégrité de la doctrine catholique sur la foi et les mœurs, en puisant au dépôt de la foi et en cherchant à l’approfondir toujours davantage face aux nouvelles questions. » Constitution apostolique Prædicate Evangelium, art. 69
Le Dicastère pour la Doctrine de la Foi est donc pleinement dans son rôle en rédigeant ce texte à haute teneur doctrinale.
E.Organisation du texte
Le document n’est pas à étudier de manière strictement linéaire.
Les quatre premiers paragraphes, qui occupent une petite moitié du texte, sont plutôt théoriques et contemplatifs.
S’ils se suffisent à eux-mêmes, ils préparent le lecteur à aborder le cinquième paragraphe, qui est davantage doctrinal et pastoral.
F. Choix de rédaction de l’article
Il n’y a pas de parties dans le texte original, seulement une numérotation qui va de I à V.
Ce que nous nommons ici « première partie » comporte les n°I à IV.
La deuxième partie, sous l’unique n°V, a un volume plus important que les quatre autres n° ensemble, c’est pourquoi nous travaillerons comme s’il y avait deux parties.
Notre plan pour cet article :
1/2 : Présentation détaillée de la première partie
2/2 : Éléments choisis de la deuxième partie
PREMIÈRE PARTIE : CONTEMPLER LA VIE HUMAINE À L’ÉCOLE DU BON SAMARITAIN (NUMÉROS I à IV)
Le plan de notre étude
I. le soin à l’école du Bon Samaritain : contempler le malade
II. Jésus en Croix : contempler Celui qui porte nos souffrances et nos maladies
III. Le « cœur qui voit » du Bon Samaritain : contempler la vie humaine comme don sacré
IV. Les obstacles culturels : l’obscurcissement de la valeur de la vie humaine
I.le soin à l’école du Bon Samaritain : contempler le malade
Toute la déclaration Samaritanus Bonus est traversée par un courant de contemplation, et des références au champ lexical de la vision.
Rappelons le texte de Luc 10, 33-34 :
« Un Samaritain, qui était en voyage, arriva près [du blessé], le vit et fut pris de pitié. 34 Il s’approcha, banda ses plaies, […] et prit soin de lui. »
Au paragraphe I, il est écrit : « Il est difficile de reconnaître la valeur profonde de la vie humaine lorsque, malgré tous les efforts déployés, elle continue à nous apparaître dans sa faiblesse et sa fragilité. »
« Un prêtre vint à descendre par ce chemin-là; il le vit et passa outre. Pareillement un lévite, survenant en ce lieu, le vit et passa outre. » (Luc 10, 31-32)
Le prêtre et le lévite ont donc vu le blessé, mais n’ont pas vu la valeur de sa vie, ils n’ont vu que sa faiblesse et sa fragilité.
Le Samaritain, lui, l’a vue et a été pris de pitié. Son regard s’est éveillé à la pitié pour cet homme blessé.
Le premier degré du soin, le plus évident, c’est de permettre à la personne de maintenir sa vie physique, après avoir vu de quoi elle avait besoin.
A.La vie au-delà de la guérison
Mais Samaritanus Bonus nous rappelle que ce soin a un « horizon anthropologique et moral plus large », c’est bien ce que nous voyons avec le Samaritain : il ne se contente pas de sauver la vie du malade.
Ici se trouve une phrase très utile dans un contexte de fin de vie :
« même lorsque la guérison est impossible ou improbable, l’accompagnement en soins infirmiers (soins des fonctions physiologiques essentielles du corps), psychologiques et spirituels est un devoir incontournable, car le contraire constituerait un abandon inhumain du malade. »
La tentation utilitariste : pourquoi continuer les soins ?
Le Dicastère pour la Doctrine de la Foi nous met en garde contre la tentation utilitariste de la médecine moderne, la tentation de raisonner en terme binaire de succès ou d’échec. La tentation peut se formuler ainsi : « dès lors que l’on a échoué à guérir le malade, pourquoi continuer à déployer des moyens financiers et humains pour quelqu’un qui va mourir ? »
On est clairement dans une perspective utilitariste : « l’objet ne marche plus et n’est plus réparable, pourquoi le conserver ? »
Prendre soin de toute la vie
À l’exact opposé de cette mentalité, nous avons la phrase de Jésus : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Matthieu 25, 40.
Jean-Paul II nous dit dans l’encyclique Evangelium Vitæ : « Il s’agit de “prendre soin” de toute la vie et de la vie de tous ».
Si tous les hommes sont respectables en tant que tel, s’ils sont tous aimés par Dieu, alors les grands malades et les mourants doivent tout autant que les autres, et même plus, être l’objet de nos soins et de ceux du corps médical.
Soigner quand la guérison s’en va, les soins spirituels
S’il est question de « “prendre soin” de toute la vie », il faut que le soutien se fasse à tous les niveaux : physique (douleur), psychologique, social, familial et religieux.
Le Dicastère pour la Doctrine de la Foi insiste sur le soutien à la foi du malade et à la foi des proches, le cas échéant.
Dans l’introduction, le texte cite le pape François évoquant la nécessité que les communautés chrétiennes deviennent des « communautés de guérison » sans préciser de quoi il s’agit exactement.
En tout cas, il s’agit pour les chrétiens présents, de la famille ou non, de donner aux malades un soutien spirituel suffisamment fort pour qu’ils puissent traverser sans désespérer la grande épreuve de la fin de vie, et ce soutien peut être absolument décisif.
C’est ce que souligne le Dicastère pour la Doctrine de la Foi : « si la foi fait défaut, la peur de la souffrance et de la mort, et le découragement qui en découle, sont aujourd’hui les principales causes [de] demande d’euthanasie ou de suicide assisté. »
B.Contempler la vie comme un prodige unique et inaliénable
Le regard contemplatif sur la vie est explicitement encouragé par Samaritanus Bonus, avant même de parler de prière.
Voir ma vie et celle de l’autre comme un prodige nécessite à coup sûr une conversion. Certes, on peut voir comme un prodige la vie de certaines personnes particulièrement admirables sans se forcer.
Mais contempler toute vie humaine comme un prodige est moins évident, surtout dans une époque désenchantée, qui non seulement n’admire pas l’homme mais en fait parfois un nuisible, un encombrant.
Le regard contemplatif est d’autant plus nécessaire que c’est un regard qui n’est pas possessif.
Le monde moderne veut prendre possession de toutes choses, c’est une de ses tendances.
Prendre possession d’autrui, exercer sur lui un pouvoir direct ou indirect est une tentation de toujours, surtout quand l’autre est diminué par la maladie ou l’âge.
Contempler le mystère de l’autre, c’est respecter son humanité, c’est, « à partir de ses efforts et de ses souffrances, se laisser interroger et “guider” », pour enfin discerner ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire.
C’est l’exact inverse d’un geste de prise de contrôle, et cette contemplation est ce qui rend vraiment justice à l’humanité du malade.
II.Jésus en croix : contempler Celui qui porte nos souffrances et nos maladies
Pour un regard contemplatif sur la souffrance et la mort, c’est vers Jésus en croix que le chrétien sait devoir regarder et inviter à regarder ceux qui désespèrent.
La croix et la résurrection sont les horizons ultimes de la contemplation chrétienne, car cette unique réalité est celle qui nous sauve de toute désespérance liée à la souffrance et à la mort.
Jésus modèle de la fin de vie
Jésus devient par sa passion et sa croix « l’homme de la douleur ». Non seulement il nous rejoint dans la douleur physique et la mort, mais aussi dans toutes les expériences de souffrance morale : un proche le livre à ses ennemis, ses proches l’abandonnent au pire moment, les chefs de sa nation le livrent à la mort par la main des ennemis (les Romains), il est bafoué, insulté, compté pour rien, il est condamné à la pire des morts injustement, par jalousie et à cause de la faiblesse d’un chef romain. Sa mission semble être un échec total puisque seul un tout petit groupe de fidèles reste au pied de la croix.
Jésus présent quand tous sont absents
Jésus est pleinement présent au mourant car il est passé par là, lui le Dieu fait homme, et il peut ainsi être là quand plus personne n’est là. Le malade seul dans la nuit pourra toujours invoquer celui qui a passé seul cette effroyable nuit entre l’arrestation à Gethsémani et le matin du jugement.
Jésus est là pour celui auquel on fait sentir, à mots couverts ou pas, que sa vie a surtout de la valeur pour sa qualité de vie et qu’il est un fardeau pour les projets des autres.
La présence humble
Samaritanus Bonus nous invite à méditer sur la présence de Marie, de Jean et des autres disciples au pied de la croix de Jésus.
Dans une très belle formule, il est dit que l’amour du Père « s’est également manifesté, durant les heures de la Croix, à travers l’amour de sa Mère. »
Le visage du Père prend ici le visage de la mère de Jésus, au moment de l’abandon extrême, quand, sur un plan purement naturel, il n’y a plus rien à faire, pour l’accompagnement, que de se « tenir debout ».
Se tenir là
Samaritanus Bonus développe une méditation très belle et utile sur ce « tenir là ».
Quand Marie et les quelque proches se « tiennent là », ils participent, par leur dévouement, à la rédemption.
C’est exactement ce à quoi sont appelés tous ceux qui se « tiennent là » près d’un malade, car parfois il n’y a rien à « faire » matériellement.
De nombreuses personnes peuvent se sentir mal à l’aise, en particulier par un sentiment d’inutilité, quand elles se « tiennent là » près d’un grand malade, surtout s’il est inconscient.
On a l’impression que « ça ne sert à rien puisqu’il ne se rend compte de rien ».
Mais la présence est pourtant la chose la plus belle que l’on puisse offrir à une personne à laquelle on ne sait plus quoi offrir.
Et c’est encore plus vrai si l’on prend le temps de prier à ses côtés.
On quitte ici toute perspective utilitaire, comme le dit Samaritanus Bonus :
« Les soins palliatifs ne suffisent pas si personne ne “se tient” aux côtés du malade et ne témoigne de sa valeur unique et irremplaçable ».
Jésus nous aide à supporter la douleur car il nous donne une espérance que le monde ne peut pas nous donner. Cette espérance, c’est sa présence, sa proximité même au-delà du sensible, c’est donc une espérance au présent et c’est aussi l’espérance de la vie éternelle.
Offrir à Dieu ses souffrances par amour, comme Jésus, c’est témoigner d’ « une espérance capable de donner un sens au temps de la maladie et de la mort. Cette espérance, c’est l’amour qui résiste à la tentation du désespoir. »
III.Contempler la vie humaine comme don sacré et inviolable
Absolument aucune condition physique ou psychique ne peut arracher à l’être humain sa dignité originel d’être créé à l’image et à la gloire de Dieu.
Même l’homme le plus diminué, pauvre de conscience, de facultés, de paroles, totalement dépendant, garde la même dignité que la personne en pleine possession de ses moyens.
Cette formulation de Samaritanus Bonus nous aide à mieux nous positionner face à celui dont la dignité risque d’être voilée par sa faiblesse :
« Les yeux perçoivent dans la faiblesse un appel de Dieu à agir en reconnaissant dans la vie humaine le premier bien commun de la société. »
Heureusement que les chrétiens ne sont pas les seuls à défendre la dignité absolument inaliénable de toute personne de sa conception à sa mort.
Mais pour les chrétiens, ce que la raison naturelle leur montre est confirmé de la manière la plus claire par la révélation divine : la vie humaine a une valeur intrinsèque qui ne peut être mise en balance avec d’autres valeurs (sauf le sacrifice pour la vie d’autrui ou d’autres cas rares).
La vie est le bien qui conditionne la jouissance d’autres biens.
C’est pourquoi Samaritanus Bonus énonce un argument qui devrait nous faire réfléchir :
« Supprimer un malade qui demande l’euthanasie ne signifie pas du tout reconnaître son autonomie et la valoriser, mais signifie au contraire méconnaître la valeur de sa liberté, fortement conditionnée par la maladie et la douleur, et la valeur de sa vie, en lui refusant toute possibilité ultérieure de relation humaine, de sens de l’existence et de croissance dans la vie théologale. »
Pour simplifier : je ne sais pas ce que la vie réserve au patient qui me demande la mort.
Et qui suis-je pour savoir ce qu’il va vivre dans les temps qui viennent, surtout si je fais le nécessaire pour alléger ses souffrances physiques ou autres ?
IV.Obscurcir la valeur de la vie : les obstacles culturels
Samaritanus Bonus mentionne trois obstacles, et il y en a d’autres : la prééminence du bien-être, de la « qualité de vie » et de l’utilité, la fausse compassion et l’individualisme.
Primat du bien-être, de la qualité de vie et de l’utilité
Le premier obstacle est de mettre une certaine « qualité de vie » devant la vie tout court. Dans cette optique matérialiste, à quoi bon vivre si on ne vit « pas vraiment » ? En-dessous d’un certain niveau de « qualité », le sujet, ou des tiers, peuvent juger que la vie n’est plus digne d’être vécue.
Cette vision comporte l’énorme risque que ce niveau qualitatif soit déterminé de manière arbitraire, pourquoi pas par exemple par « la simple présence d’un malaise psychologique ».
Toute personne raisonnable peut voir les dérives épouvantables qu’une telle vision peut faire courir à l’humanité.
Contemplons la vie, ne nous laissons pas aveugler par une vision si misérable de la vie réduite à sa « qualité ».
La fausse compassion
Deuxième obstacle, la « compassion » face à une douleur « insupportable » n’est pas une vraie « compassion » même si elle en a l’apparence. Samaritanus Bonus règle cette question en une phrase qui mériterait d’être citée lors de toute discussion sur l’euthanasie : « En réalité, la compassion humaine ne consiste pas à provoquer la mort, mais à accueillir le malade, à le soutenir dans ses difficultés, à lui offrir de l’affection, de l’attention et les moyens de soulager sa souffrance. »
La fausse compassion supprime le malade, la vraie fait tout pour que sa vie soit vivable et moins souffrante.
L’individualisme réducteur
Troisième obstacle, si l’on accepte le principe individualiste de manière radicale, alors personne ne peut décider de ma vie et de ma mort sinon moi. D’où la requête d’un droit à l’euthanasie et au suicide assisté.
Mais qu’en est-il de celui qui ne peut plus exercer ce prétendu « droit » parce qu’il n’est plus dans l’état physique et/ou psychique de le faire ?
S’il ne rentre plus dans les cases du schéma individualiste, alors ce sont à ceux qui sont en pouvoir de le faire de décider de son sort, dans une toute-puissance impressionnante. Est-ce qu’on va lui faire la faveur de le soigner ? De le garder en vie ? Est-ce qu’il ne va pas coûter trop cher ?
On appauvrit terriblement les relations humaines quand on se permet d’entrer dans cette manière de voir la vie humaine. Où sont la charité surnaturelle, la solidarité humaine, le soutien social nécessaire dans ces moments si difficiles de l’existence ?
La sensibilité à la souffrance de l’autre, à ses besoins, s’effacent devant le chacun pour soi.
Si on commence à entrer dans une vision où je peux disposer de l’autre parce qu’il est diminué, alors la porte est grande ouverte à la « culture du déchet » dont parle le pape François.
On entre dans une optique matérialiste où celui qui ne « sert » plus est « mis au rebut ».
On entre de plein pied dans la « culture de mort » dont parlait Jean-Paul II, culture qui mène droit à des « structures de péché » qui légalisent et organisent le mal, le présentant comme un « bien » au yeux du public puisqu’il devient légal, comme on le voit pour l’avortement.
L’individualisme peut se loger dans tous les recoins de nos schémas de pensée, c’est lui qui imprègne le discours ambiant souvent sans que nous en soyons conscients, sachons le débusquer en priant et en nous formant pour ne pas tomber dans ses pièges.
La première partie de notre article se termine, car le Dicastère pour la Doctrine de la Foi n’a pas jugé bon de conclure la première partie de la déclaration Samaritanus Bonus.
Les points I à IV ne font donc pas l’objet d’une reprise globale.
–
EXTRAITS COMMENTÉS DE LA DEUXIÈME PARTIE (NUMÉRO V)
La deuxième partie de Samaritanus Bonus, ou point V, est titrée : « l’enseignement du magistère »
C’est un ensemble de douze points qui abordent des sujets précis et souvent pointus techniquement, dont voici la liste :
1. L’interdiction de l’euthanasie et du suicide assisté
2. L’obligation morale d’exclure l’acharnement thérapeutique
3. Les soins de base : le devoir d’alimentation et d’hydratation
4. Les soins palliatifs
5. Le rôle de la famille et les maisons de soins palliatifs
6. L’accompagnement et les soins prénataux et pédiatriques
7. Thérapies analgésiques et suppression de la conscience
8. L’état végétatif et l’état de conscience minimale
9. L’objection de conscience de la part des personnels de santé et des établissements de santé catholiques
10. L’accompagnement pastoral et le soutien des sacrements
11. Le discernement pastoral à l’égard de ceux qui demandent l’euthanasie ou le suicide assisté
12. La réforme du système éducatif et de la formation des personnels de santé
Cet article étant trop court pour une étude exhaustive, nous nous contenterons de donner au lecteur quelques points clés. Chacun est invité à aller lire la totalité du texte ou les points qui l’intéressent dans le texte original en tapant vu.fr/samaritanusbonus dans votre navigateur.
L’interdiction de l’euthanasie et du suicide assisté
Dans le contexte de discussions sur la légalisation de l’euthanasie dans plusieurs pays, il est heureux que le Dicastère pour la Doctrine de la Foi commence par rappeler de la manière la plus claire l’enseignement constant de l’Église sur ces questions :
« L’Église considère nécessaire de réaffirmer comme un enseignement définitif que l’euthanasie est un crime contre la vie humaine parce que, par un tel acte, l’homme choisit de causer directement la mort d’un autre être humain innocent. »
Concernant la collaboration à l’euthanasie, des législateurs par exemple :
« L’euthanasie est donc un acte meurtrier qu’aucune fin ne peut légitimer et qui ne tolère aucune forme de complicité ou de collaboration, active ou passive.
Ceux qui adoptent des lois sur l’euthanasie et le suicide assisté sont donc complices du grave péché que d’autres commettront. Ils sont également coupables de scandale car ces lois contribuent à déformer la conscience, même des fidèles. »
Concernant le suicide, assisté ou non :
« La vie a la même dignité et la même valeur pour tous : le respect de la vie de l’autre est le même que celui que l’on doit à sa propre existence. Une personne qui choisit en toute liberté de s’ôter la vie rompt sa relation avec Dieu et avec les autres et se nie elle-même en tant que sujet moral.
Le suicide assisté en augmente la gravité, dans la mesure où il fait participer un autre à son propre désespoir, l’amenant à ne pas orienter sa volonté vers le mystère de Dieu par la vertu théologale d’espérance et, par conséquent, à ne pas reconnaître la vraie valeur de la vie et à rompre l’alliance qui constitue la famille humaine. »
Concernant la légalisation de ces pratiques :
« Sont donc gravement injustes les lois qui légalisent l’euthanasie, ou celles qui justifient le suicide et l’aide au suicide par le faux droit de choisir une mort improprement définie comme digne pour le seul fait d’avoir été choisie.
Ces lois affectent le fondement de l’ordre juridique : le droit à la vie, qui soutient tout autre droit, y compris l’exercice de la liberté humaine. L’existence de ces lois nuit profondément aux relations humaines, à la justice et menace la confiance mutuelle entre les hommes. »
Le texte fait ensuite référence, entre autres, aux abus qui n’ont pas manqué d’être commis dans les pays qui ont procéder à cette légalisation.
L’ensemble du document nous prouve que l’Église appelle à la sollicitude la plus poussée envers les personnes tentées par les pratiques euthanasiques.
Rien ne doit être négligé pour les empêcher d’en venir là, selon la citation de la déclaration Iura et Bona de 1980 sur l’euthanasie :
« les supplications de très grands malades demandant parfois la mort ne doivent pas être comprises comme l’expression d’une vraie volonté d’euthanasie ; elles sont en effet presque toujours des demandes angoissées d’aide et d’affection. Au-delà de l’aide médicale, ce dont a besoin le malade, c’est de l’amour, de la chaleur humaine et surnaturelle que peuvent et doivent lui apporter tous ses proches, parents et enfants, médecins et infirmières »
Reprenant un type de langage que nous avons vu dans la première partie, Samaritanus Bonus invite à « se tenir » auprès de celui qui souffre :
« La capacité de ceux qui assistent une personne souffrant d’une maladie chronique ou en phase terminale de la vie, doit être de “savoir demeurer”, de veiller avec ceux qui souffrent de l’angoisse de mourir, de “consoler”, c’est-à-dire d’être-avec dans la solitude, d’être une présence partagée qui ouvre à l’espérance. »
Les soins palliatifs
Samaritanus Bonus loue les soins palliatifs sans ambiguïté :
« La médecine palliative est un outil précieux et indispensable pour accompagner le patient dans les phases les plus douloureuses, souffrantes, chroniques et terminales de la maladie. Les soins dits palliatifs sont l’expression la plus authentique de l’action humaine et chrétienne qui consiste à prendre soin, le symbole tangible du fait “d’être debout” par compassion auprès de ceux qui souffrent. »
et plus loin :
« Les soins palliatifs doivent être répandus dans le monde entier. »
Les soins palliatifs sont indispensables entre autres parce qu’ils limitent la demande de mort :
« L’expérience montre que l’application de soins palliatifs réduit considérablement le nombre de personnes qui demandent l’euthanasie. »
Les soins palliatifs font partie d’un choix de société. Samaritanus Bonus cite le pape Benoît XVI dans l’encyclique Spe Salvi (Sauvés dans l’espérance) de 2007, n°39 :
« Une société qui ne réussit pas à accepter les souffrants et qui n’est pas capable de contribuer, par la compassion, à faire en sorte que la souffrance soit partagée et portée aussi intérieurement est une société cruelle et inhumaine ».
CONCLUSION DE SAMARITANUS BONUS
Dans une conclusion pleine d’espérance, Samaritanus Bonus reprend la figure du Bon Samaritain pour nous pousser à aller vers notre frère éprouvé et à nous mettre à son service :
« Le Bon Samaritain, qui place le visage de son frère éprouvé au centre de son cœur, sait voir son besoin, lui offre tout le bien nécessaire pour le soulager de la blessure de la désolation et ouvre dans son cœur de lumineuses embrasures d’espérance.
La volonté de faire le bien qui habite le Samaritain, devenu le prochain de l’homme blessé non pas avec des paroles ou avec sa langue, mais avec des actes et en vérité (cf. 1 Jn 3, 18), prend la forme du soin, à l’exemple du Christ, qui est passé en faisant le bien et en guérissant tout le monde (cf. Ac 10, 38). »
« Guéris par Jésus, nous devenons des hommes et des femmes appelés à proclamer sa puissance de guérison, à aimer et à prendre soin de notre prochain comme Il nous en a donné le témoignage.
Cette vocation à aimer et à prendre soin des autres, qui porte avec elle des gains d’éternité, est rendue explicite par le Seigneur de la vie dans la paraphrase du Jugement Dernier : Recevez le Royaume en héritage, car j’étais malade et vous m’avez visité. Quand, Seigneur ? Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de vos frères, à l’un de vos frères souffrants, c’est à moi que vous l’avez fait (cf. Mt 25, 31-46) »